Disparue depuis plus de deux siècles, une œuvre magistrale du XVIIe siècle de la main de Guido Reni (1575-1642) refait surface, alors qu’une exposition consacrée au célèbre peintre italien s’est achevée fin mars au musée des Beaux-Arts d’Orléans. Les propriétaires n’en avaient aucune connaissance. Et depuis des lustres, ils étaient persuadés que leur tableau était l’une des nombreuses répliques et copies de ce sujet en vogue à l’époque, puisque l’original du David contemplant la tête de Goliath, provenant de la collection de Charles III de Créquy (ambassadeur à Rome de Louis XIV) est au musée du Louvre. Pourtant, le catalogue d’Orléans (page 148) mentionne l’existence d’« une composition très proche de celle du musée du Louvre », figurant dans l’inventaire du prince Eugène de Savoie-Carignan en 1736. « Sa trace se perd après son transfert de Turin à Paris vers 1797 », précise encore l’ouvrage. L’expert Stéphane Pinta comprend qu’il est devant le tableau disparu quand il voit l’œuvre « d’une rare intensité dramatique, dans un parfait état de conservation, comportant très peu de différences visuelles avec le tableau du Louvre ». Et de conclure : « Les deux tableaux ont été probablement peints côte à côte. » Avant d’appartenir au prince Eugène, cette version était la propriété de Francesco Ier d’Este, duc de Modène (1610-1658) qui l’acquit directement auprès de l’artiste. À la mort du prince Eugène, sa prestigieuse collection est en grande partie rachetée en bloc par son neveu Charles-Emmanuel III de Savoie et placée dans son palais royal de Turin. Lors de la conquête de l’Italie par la France dans les dernières années du XVIIIe siècle, le tableau est rapporté en France dans les bagages du général Pierre-Antoine Dupont de l’Étang, aïeul des actuels vendeurs. D’un point de vue stylistique, Reni allie la violence naturaliste de la tête ensanglantée de Goliath, couplée au clair-obscur caravagesque, et un idéal classique bolonais dont il est issu, notamment par les traits délicats et l’élégance presque androgyne du jeune homme, symbolisant la victoire de l’adresse sur la force. Considérée comme un jalon essentiel des deux grands courants du Seicento italien, cette peinture devrait largement dépasser son estimation haute, plutôt conservatrice, de 4 millions d’euros.
Redécouverte d’un chef-d’œuvre de Guido Reni

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