Une fratrie d’artistes, ce n’est pas si commun : le peintre Grichka Commaret (né en 1987, diplômé des Arts décoratifs) et la vidéaste Tohé Commaret (née en 1992, diplômée des Beaux-Arts de Paris et du Fresnoy) font dialoguer leurs œuvres, sous le commissariat d'Elsa Vettier, dans un hommage crépusculaire à leur ville natale, Vitry-sur-Seine, où leur famille chilienne s’est installée après avoir fui la dictature de Pinochet. Le duo renouvelle l’imaginaire associé aux dalles de béton – on pense à l’iconographie sociale du groupe de rap 113, issu aussi de Vitry, à la fin des années 1990 –, en surfant sur la vague d’une peinture crypto-dark pour Grichka, et d’une esthétique post-internet pour Tohé, jouant sur le registre de la docu-fiction. Un couloir étroit, où une vidéo scrute l’intérieur d’un RER telle une caméra de sécurité, nous introduit dans l’exposition. De ce passage symbolique émergent deux questions conduisant la destinée des jeunes banlieusards : comment se trouve-t-on relié au monde ? Et quelle possibilité d’émancipation ? Deux grands écrans, inclinés comme des smartphones, habitent la salle principale, où un interphone accroché au mur diffuse une courte vidéo : c’est l’intérieur des appartements et des halls des tours qui s’ouvrent à nous, dans une atmosphère confinée, habillée par la luminosité blafarde des écrans des smartphones et des néons des HLM. Dans cette réalité sordide, s’immiscent des imaginaires et des hallucinations, où l’image que l’on projette de soi et les attentes sociales (celle que l’on espère devenir) hantent l’esprit des jeunes filles. Les motifs de l’œil et de la bouche ponctuent les vidéos de Tohé et les toiles de Grichka, symboles d’une société de l’image et de l’information névrosée. Les sombres tableaux de Grichka, de petits formats biscornus aux fonds noirs, noient des figures humaines dans un entrelacs de circuits électroniques. L’ensemble, peint avec la minutie d’enluminures, voue un culte ésotérique à nos nouvelles icônes : les smart technologies.
« Grichka et Tohé Commaret, Miss Recuerdo », Fondation d’entreprise Pernod Ricard, jusqu’au 19 avril 2025
fondation-pernod-ricard.com
