Virtuellement inconnus il y a dix ans, les artistes saoudiens se sont fait une place au soleil, en même temps que le royaume percevait la puissance d'un soft power culturel. Derrière sa manifestation la plus médiatique - la mise en valeur du site archéologique d'AlUla, dans laquelle la France joue un rôle important avec l'agence Afalula - celui-ci s'est aussi incarné dans la création de biennales et l'annonce de futurs musées. L'art contemporain a sa place dans le dispositif - avec le risque assumé que certains plasticiens puissent exprimer des critiques, hypothèse qui n'avait pas cours dans le passé. C'est à Jax, zone d'anciens entrepôts à Riyad, que s'est installé le SAMoCA (Saudi Arabia Museum of Contemporary Art), dans l'attente d'un autre siège à Diriyah. Il présente une sélection de 17 artistes contemporains (dont 9 femmes), dans une optique résolument internationale : la curatrice de l'exposition, Diana Wechsler, est argentine et la première étape s'est tenue à Rio, en marge du G20, en novembre dernier. On y trouve l'abstraction décorative chère à l'Islam (notamment la réinterprétation calligraphique de Nasser Al Salem, qui coule les caractères coufiques dans du néon ou des fils de fer - à voir parallèlement à la proche galerie Athr, jusqu'au 20 mars) ou les symboles d'Ahmad Angawi. Mais on y trouve aussi une photographie plasticienne documentaire, qui peut faire penser à Stéphane Couturier (Moath Alofi et l'architecture vernaculaire délaissée), du conceptuel (les rouleaux de sable de Muhannad Shono, qui se désagrègent lentement), des vidéos comme celle de la jeune Sarah Brahim, qui explore la question de la mémoire, ou encore la condition féminine traitée par Manal AlDowayan (artiste du pavillon saoudien à Venise en 2024). L'ensemble donne l'image d'une scène tonique, défrichant des terrains neufs, dans un esprit de groupe, nourri par la présence à Jax de nombreux artistes, dont les ténors Ahmed Mater et Muhannad Shono.
« Poetic Illuminations » au SAMoCA@Jax, Riyad, jusqu'au 24 mai 2025.
