La conférence donnée en 2018 à la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris par Liu Jiakun n’avait pas suffi à asseoir en France sa notoriété. Aussi, c’est avec surprise que l’on a appris hier que le jury du prestigieux Prizker Prize, présidé par le Chilien Alejandro Aravena, lauréat en 2016, venait de le consacrer.
L'homme de Chengdu
Né en 1956, cet architecte prolifique n’a pour l’heure construit qu’en Chine. Il se considère d’ailleurs comme un architecte de Chengdu, sa ville natale. Il s’en est éloigné un temps pour effectuer une partie de ses études à Chongqing, ville tentaculaire célèbre pour ses chaleurs, ses brouillards et ses myriades de gratte-ciels. Auteur de bâtiments aussi divers qu’usines, église, musées, logements, etc., il est connu et apprécié pour son approche globale de l’espace urbain. Sa force est de combiner tout à la fois les aspects constructifs architecturaux et les données environnementales. Son art est une méthode. Elle lui permet de faire naître, dans un monde où la ville est synonyme de chaos, des ensembles protecteurs et apaisés. Le plus bel exemple de cette mise en pratique est le West Village édifié à Chengdu. Autour d’un parc urbain, les ailes d’un ensemble de logements en U, aux toitures en partie végétalisées, se développent dans une résille de passerelles métalliques. Le dispositif se révèle simultanément filtre et barrière. On peut d’ailleurs en rapprocher les lignes élégantes de celles du très beau pont édifié en 2016 pour le musée de Suzhou. Architecte stratège, Liu Jiakun se démarque de son compatriote Wang Shu, honoré lui aussi par le Pritzker Prize en 2012, en ce qu’il ne cherche pas à recycler les matériaux des bâtiments mis à terre par une rénovation sauvage mais puise plutôt dans les ressources locales pour construire une architecture ancrée dans un sol et une culture.
Poétique vernaculaire
Nonobstant, comme Wang Shu, il défend l’idée d’une architecture vernaculaire nourrie de références historiques, traditionnelles et patrimoniales. Cette sensibilité, cette approche poétique de l’espace lui sont consubstantielles car avant d’être un bâtisseur Liu Jiakun a été peintre et surtout poète. Il a signé de nombreux ouvrages et, chez lui, la littérature et l’architecture s’épousent. Cette relation à l’écriture affleure dans un onirisme contrôlé jusque dans l’intitulé de certains de ses bâtiments tels le musée des Sculptures et plus encore le musée des Horloges. Fils de médecins, un temps envoyé au champ en « rééducation », praticien ensuite au sein d’une agence d´État, il n’a ouvert sa propre structure qu’en 1999. Parmi toutes ses créations, l’œuvre peut-être la plus émouvante est le musée-mémorial Hu Huishan, du nom d’une adolescente de 15 ans victime du terrible séisme qui frappa le Sichuan en 2008. Cette petite maison édifiée la même année abrite les objets personnels de la jeune fille, dans une pièce aux reflets roses. Liu Jiakun aime à se comparer à l’eau qui s’infiltre dans l’environnement local et finit par s’y solidifier sous la forme d’une architecture.
pritzkerprize.com

© Courtesy Chen Chen.

© Courtesy Qian Shen.

© Corutesy Qian Shen.

© Courtesy Jiakun Architects.

© Courtesy Bi Kejian.

© Courtesy Jiakun Architects.

© Courtesy Bi Kejian.