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Les naufragés de l'île de Tromelin

Les naufragés de l'île de Tromelin

Après les murs bleus du pavillon Blue Note représentant la Côte d'Ivoire à la Biennale de Venise 2024 sous le commissariat d'Illa G. Donwahi et la curation de Simon Njami, c'est la galerie Dagoma-Harty, installée depuis peu à Saint-Germain-des-Prés, qui accueille jusqu'au 1er mars une sélection des œuvres sur miroirs et sculptures de l'artiste Sadikou Oukpedjo. Le visiteur décryptant ce qui se joue face à lui est comme pris à témoin par les figures massives parmi lesquelles se perd son propre reflet. Au-delà de l'hommage puissant aux naufragés, Sadikou Oukpedjo, peintre et sculpteur togolais installé en Côte d'Ivoire depuis une dizaine d'années, interroge notre rapport intime à l'humanité et à l'histoire. Le silence n'est qu'apparent face à la tragédie ravivée. Les oubliés de Tromelin, 160 Malgaches, hommes, femmes, enfants, réduits à l'état de marchandise en 1761, sont abandonnés pendant 15 ans sur un minuscule atoll de l'océan Indien balayé par les tempêtes tropicales suite à l'avarie du bateau les transportant. Derrière l'opacité du silence et le mutisme imposé, c'est le brouhaha, un vacarme oppressant qui s'impose et révèle d'un même geste la porosité entre passé et présent et la pulsion de vie (parmi les huit survivants retrouvés en 1776, un nourrisson). La mise en éveil du visiteur ainsi interpellé par les oeuvres n'est pas sans rappeler le ton donné par le pavillon Blue Note à Venise et son ambition de créer un espace vivant offrant un temps d'expérimentation pour ressentir les propositions des cinq artistes invités dont le sculpteur Jems Koko Bi, les photographes François-Xavier Gbré et Franck Abd-Bakar Fanny et l'artiste pluridisciplinaire Marie-Claire Messouma Manlanbien.

Article issu de l'édition N°2984