Le peloton de tête de cette liste des « personnalités les plus influentes de l'art », publiée par le site ArtReview après vote de 40 experts (anonymes), fera sans doute pester celles et ceux qui voient d'un mauvais œil la politisation du milieu et la plus grande diversité de ses principaux acteurs. Il reflète pourtant les critères de cette sélection : avoir été actif au cours des 12 derniers mois, avoir marqué l'évolution actuelle de l'art, et eu un impact mondial plus que local. De l'artiste Nan Goldin, fervente défenseure de la cause palestinienne, qui cède sa première place en 2023 pour arriver à la 7e place, à Forensic Architecture (5e), groupe d'artistes-chercheurs engagés contre la violence d'État, à Saidiya Hartman (3e), universitaire américaine étudiant les questions postcoloniales et de genre, en passant par l'historien camerounais Achille Mbembe (12e), ou l'artiste thaïlandais Rirkrit Tiravanija (2e), la Power 100 List fait la part belle aux personnalités engagées, et déjoue les stéréotypes d'un milieu longtemps dominé par des hommes blancs. La première place quant à elle peut surprendre : Sheikha Hoor Al Qasimi, fille de l'émir de Sharjah, n'est pas forcément la personnalité la plus connue ni la plus visible du milieu de l'art. Pourtant, la directrice de la Sharjah Art Foundation et de sa biennale joue un rôle clé par ses multiples rôles (elle sera également directrice de la triennale d'Aichi au Japon en 2025 et directrice artistique de la biennale de Sydney 2026) – et la fortune qu'elle engage. À noter qu'en 2013, la princesse qatarie Sheikha al Mayassa occupait aussi cette première place : ainsi, succédant à l'Europe et à l'Amérique du Nord, le Golfe se confirme comme hub culturel mondial. Un peu plus loin dans le classement, on trouve l'artiste chinoise Cao Fei (13e), la prochaine commissaire de la biennale de Venise Koyo Kouoh (16e), le directeur de la HKW de Berlin Bonaventure Soh Bejeng Ndikung (20e), ou encore la fondatrice de LUMA Maja Hoffmann (29e). Les premiers acteurs du marché n'arrivent qu'au 28e rang avec le trio Wirth-Payot, et le premier Français (le galeriste Emmanuel Perrotin) au 42e, qui n'est rejoint dans cette catégorie que par Laurent Le Bon (88e), président du Centre Pompidou. Fait marquant : hormis les personnalités du Golfe, les collectionneurs milliardaires (François Pinault, Bernard Arnault) ont presque tous déserté la liste.