Il aurait été difficile d'imaginer il y a 30 ans une telle consécration, et qu'une institution comme le Centre Pompidou célèbre la bande dessinée « à tous les étages », pour reprendre le titre de la manifestation. L'expert et collectionneur Éric Leroy se souvient de ses débuts : « Tout le monde se moquait de nous et nous jugeait : "Tu collectionnes les petits Mickey ? Mais c'est pour les mômes !'' On passait pour des abrutis. Ça coûtait trois francs six sous et ça n'intéressait qu'un noyau dur. » Il était alors difficile d'imaginer qu'une planche d'Hergé puisse atteindre les sommes stratosphériques réalisées par la suite : 3,2 millions d'euros en 2021 pour un projet de couverture du Lotus bleu ou 2,16 millions d'euros en 2023 pour une encre de Chine de la couverture de Tintin en Amérique, tous deux adjugés chez Artcurial. Notons que, s'il s'agit de records en France, ils sont loin des 6 millions de dollars de Dark Kingdom (1976), peinture de l'auteur américain de comics, science-fiction et fantasy Frank Frazetta, trophée d'Heritage Auction à Dallas en juin 2023.
D'un art du livre à l'art contemporain
Un tel basculement a été rendu en grande partie possible par les marchands et collectionneurs passionnés qui ont construit le marché, comme le reconnaît l'experte Pauline Testut : « Il ne faut pas oublier que les galeries spécialisées ont été les premières à montrer les planches originales comme des objets d'art dès les années 1980. » Les deux commissaires de l'exposition de la galerie 2, « Bande dessinée, 1964-2024 » – Anne Lemonnier, attachée de conservation, et Emmanuèle Payen, directrice du département développement culturel et cinéma, Bibliothèque publique d’information (BPI) – évoquent le…