À l'âge des montres molles de Dalí et des maisons rondes d'Antti Lovag, Jacques Couëlle et Michele Busiri Vici, une artiste installée à New York, Aleksandra Kasuba, imagine aussi des habitats souples, à base de textiles pénétrables. Jusqu'à la fin de sa vie (à 96 ans, en 2019), elle cultivera cet idéal opposé à l'angle droit avec des projets (beaucoup non réalisés) de villes-bulles, de cocons en membranes tendues, jusqu'à sa dernière construction, à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, achevée en 2002. Ce goût pour la spéculation et l'utopie doit beaucoup à son parcours hors du commun. Née en 1923 à Siauliau, en Lituanie, Kasuba décide de fuir son pays en 1944, avec son mari sculpteur. En tant qu'aristocrate, sous le nouveau régime soviétique, son destin était tout tracé : déportation en Sibérie ou au Kazakhstan. Elle passera trois ans dans des camps de transit en Allemagne, avant d'arriver en 1947 à New York, où elle s'intègre vite à l'intelligentsia cosmopolite du Queens et de Manhattan, aux côtés de ses compatriotes Jonas Mekas et George Maciunas ou de Louise Nevelson. L'exposition du Carré d'Art montre qu'elle s'exprimait également par la sculpture et les collages d'inspiration dadaïste (ses plus beaux quand elle était octogénaire !), qu'elle aimait assidûment la géométrie des courbes : le World Trade Center conservera jusqu'à sa destruction son mur de granite et on se souvient aussi des mosaïques du bar du Hilton Rockefeller ou du Lincoln Hospital. Toute sa vie, elle gardera son affection pour sa terre natale : si ses archives sont au Smithsonian, elle a fait donation de ses œuvres au Musée national de Lituanie. Elle s'est éteinte trois jours après l'arrivée de la dernière caisse à Vilnius...
« Aleksandra Kasuba. Imaginer le futur » au Carré d'Art, Nîmes, jusqu'au 23 mars 2025.
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