La nature est à elle seule la plus belle œuvre ! La menace du dérèglement climatique a entériné cette réflexion déjà amorcée par le land art, en laissant entrevoir les conséquences de l'intervention humaine sur le patrimoine naturel. Dans une manifestation qui est précisément consacrée à l’art dans l’espace public, quoi de plus juste, donc, que d’y rendre hommage afin d’en révéler la force et les potentialités, trop peu envisagées dans nos villes bétonnées ? Placé au cœur de cette 13e édition du Voyage à Nantes, l'arbre est le fil conducteur reliant la dizaine de nouvelles œuvres inscrites dans le parcours, destinées cette année à rediriger notre regard, plutôt qu'à être vues. « Une fois de plus, grâce aux artistes, nous allons montrer ce que nous ne voyons plus », annonce Jean Blaise, qui, pour sa dernière année à la tête de l’événement, a souhaité révéler « ce figurant immobile » de la ville de Nantes. Au fil du parcours, les arbres dévoilent peu à peu leurs secrets, assistés par les œuvres. C’est en montant les marches d’un dispositif hybride, mi-chemin, mi-belvédère, imaginé par le duo d’artistes-designers Barreau Charbonnet que l’on est en mesure de contempler – et même de sentir – des sublimes Magnolia grandiflora, arbre emblématique de Nantes arrivé en Europe au XVIIIe siècle en naviguant les côtes de Louisiane. Une histoire qui s'enlace à celle du port marchand de Nantes, d’où étaient effectuées les expéditions vers le Nouveau Monde…
Soigner les arbres
Cette petite leçon itinérante de botanique est non seulement éclairée par le regard des artistes mais aussi par la direction Nature et Jardin de la Ville de Nantes et l’École supérieure du bois de Nantes, qui ont été impliquées dans la mise en place de l’événement. Sous leur contrôle, le bien-être des arbres a été pris en compte tout le long du processus. Ainsi, s’il semble défier la gravité, le disque monumental de l'artiste d'origine taïwanaise Yuhsin U Chang – qui est une projection en l’an 2252 du futur diamètre du pin auquel il est accroché – n’en détruira pas les branches, et ne nuira pas, non plus, à sa croissance, l’œuvre étant éphémère. C’est d'ailleurs le cas de nombreuses œuvres produites cette année, puisque celles-ci ont été pensées pour se plier aux contraintes de la nature, tels que les délicats bijoux de la Maison Pelletier Ferruel ornant les branches de plusieurs arbres remarquables de la ville, ou l’imposante main de Max Coulon – taillée dans un séquoia mort sur pied – qui saisit le tronc d’un pin très incliné (le retient-il ou est-il responsable de sa déclivité ?) Symbole des possibles, l’arbre adopte aussi des allures antropomorphes ou de créature fantastique : un homme-fontaine de bois de six mètres de hauteur de Fabrice Hyber alimente un bassin et une zone humide abritant diverses espèces végétales de la région, les racines tentaculaires d’Henrique Oliveira crèvent le sol de la place Graslin pour grimper sur les escaliers de l’Opéra, tandis que les personnages mi-homme, mi-palmier, de Jean François Fourtou cristallisent la rencontre entre l’humain et le végétal. À l’art dans la ville se greffe aussi un riche programme d’expositions dont certaines sont des étapes immanquables, comme celles dédiées à Pierrick Sorin (à voir dans son atelier comme au musée d'Arts de Nantes) ou à Caroline Mesquita, qui explore avec finesse les possibilités du laiton à travers sa pratique sculpturale. Prochaine étape : le Voyage en Hiver, dont la troisième édition se tiendra du 25 novembre au 7 janvier.
« Le Voyage à Nantes 2024 », jusqu’au 8 septembre 2024