Le Quotidien de l'Art

Expositions

Les sept vies d’Auguste Herbin

Les sept vies d’Auguste Herbin
Auguste Herbin, "Nature morte aux poivrons, choux rouges", 1926, huile sur toile, 46 x 55 cm.
© François Lauginie/Orléans, Musée des Beaux-arts/Adagp, Paris 2024.

En 78 années de vie, Auguste Herbin (1882-1960) traversa avec une rare virtuosité les mouvements artistiques de son temps, sans jamais épuiser sa palette chromatique, ni trahir la promesse de ses débuts : réinventer le motif par la couleur. Le natif du Cateau-Cambrésis – tout comme un certain Henri Matisse, qu’il ne fréquenta pas – offrit au fauvisme des portraits luxuriants, bouscula le cubisme par ses paysages urbains ondulant du vert tendre au bleu profond, jusqu’à imaginer des abstractions cosmiques aux ovales et triangles tranchants, tourbillonnant de roses et de jaunes éclatants. Pourtant, sa postérité ne fut pas celle de ses acolytes du bateau-lavoir, qu’il fréquenta de 1909 à 1927. Dans un accrochage chronologique d’une grande clarté en sept temps, le musée de Montmartre répare des décennies d’oubli, rappelant qu’Auguste Herbin fut très tôt reconnu par ses pairs et la critique. Soutenu par les marchands Léonce Rosenberg et Denise René, collectionné par Sergueï Chtchoukine, il suscita aussi l’incompréhension de ses contemporains lorsqu’il développa au sortir de la Première Guerre mondiale une série d’« objets monumentaux », tondos et totems géométriques, nés de son désir de faire de l’art un agent de la société moderne. Cofondateur dans les années 1930 du groupe Abstraction-Création, aux côtés de Jean Hélion et Georges Vantongerloo, il augure le pop art dans ses natures mortes aux choux mauves et suscite l’admiration du jeune Vasarely avec son alphabet plastique, partitions mi-musicales mi-picturales créées à l’orée des années 1950. Par petites touches, l’exposition adresse aussi les engagements politiques de l’homme : adhérent un temps au Parti communiste, il désavoua le réalisme socialiste, peignit l’anarchiste allemand Erich Mühsam 25 ans avant son assassinat par les SS, et participa en 1936 à l’exposition « De Olympiade onder Dictatuur » d’Amsterdam, en protestation des Jeux olympiques de Berlin.

Auguste Herbin, "Portrait d'Eric Muhsam", 1907, huile sur toile, 92 x 73 cm. Collection Lahumière.
Auguste Herbin, "Portrait d'Eric Muhsam", 1907, huile sur toile, 92 x 73 cm. Collection Lahumière.
© Adagp, Paris 2024.

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Article issu de l'édition N°2871