C'est une tâche titanesque de recensement visant à réhabiliter la mémoire des victimes ayant été dépossédées de leurs biens durant une période noire du pays : celle de la guerre civile et de la dictature franquiste qui s’en est suivie. La loi de la Mémoire démocratique, actée en 2022 et portée par le gouvernement de Pedro Sánchez, a encouragé la mise en place d'une série d’initiatives dans ce sens, dont celle récemment lancée par le ministère de la Culture visant à répertorier les biens saisis durant la guerre civile et le franquisme. Plus de 5 000 pièces (toiles, bijoux, céramiques, sculptures, meubles…) ont à ce jour été repérées dans des collections muséales de l'État gérées par le ministère de la Culture : dont le musée du Costume, le musée du Romantisme ou le Musée archéologique national, mais aussi d’institutions en dehors de la capitale, comme le musée national de la Céramique et des Arts somptuaires González Martí de Valence ou le musée national de Sculpture à Valladolid. Seul le musée des Arts décoratifs de Madrid abritait des pièces ayant été pillées par le régime franquiste – plusieurs issues de la collection du marchand José Weissberger – la plupart ayant été saisies lors de la guerre civile afin de protéger le patrimoine, sans jamais être restituées sous Franco. De son côté, le Prado a été bon élève puisque le musée avait commandé, deux ans plus tôt, un rapport au professeur Arturo Colorado afin de cibler les pièces spoliées de sa collection : 70 œuvres avaient été dans ce contexte pointées du doigt, dont plusieurs attribuées au peintre Eugenio Lucas Villaamil (1858- 1918), ou signées par Joaquín Sorolla (1863-1923), ainsi que certaines pièces des églises de Yebes et Pareja, à Guadalajara. Plusieurs ont depuis été réclamées par leurs propriétaires, enclenchant ainsi le processus de restitution. Cette première victoire n’est toutefois que la pointe de l’iceberg : non seulement cette recherche s'intéresse à un type de bien très précis – le patrimoine immobilier est par exemple exclu – mais celle-ci ne cible que des institutions publiques, laissant ainsi planer le point d'interrogation sur la situation dans les centres d'art ou musées privés...
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