Notre monde n'y ressemble pas trop. Mais peut-être est-ce son destin intrinsèque de rester un rêve inaccessible. L'Arcardie... Initialement une partie du Péloponnèse, elle a ensuite personnalisé l'idée du bonheur : une région où la vie était douce, la nourriture abondante, les vins capiteux, le temps serein, les hommes en paix... C'est un peu ce qu'a symbolisé la ville de Lugano, notamment au début du XXe siècle, quand elle a été présentée comme la Riviera suisse, ornée de palmiers et d'essences exotiques, alors implantés en quantité. Vittoria Matarrese, directrice de la Bally Foundation, inaugurée il y a un an à la Villa Heleneum (voir QDA du 25 avril 2023), a choisi ce fil conducteur pour son exposition d'ouverture de la deuxième saison. Elle a convoqué une vingtaine d'artistes internationaux, qui ont planché sur le sujet : on y voit beaucoup de paysages ou de végétaux, comme les palmiers d'Yto Barrada, Adrien Missika et Gabriel Moraes Aquino, les plantes séchées et pressées de Julius von Bismarck. Mais aussi des références moins directes comme cette fleur littéraire dont l'existence est aussi hypothétique que celle du dahu ou du Snark : l'orchidée albinos, chère à Nabokov, que Maxime Rossi a pourtant retrouvée dans une forêt d'Île-de-France et qu'il a installée dans une chapelle. La magie du lieu tient à son pouvoir d'évocation : il suffit de regarder le lac aigue-marine par la fenêtre, à travers les frondaisons caressées par le soleil couchant, pour se persuader que l'Arcadie peut bien être touchée du doigt.
« Arcadia », à la Bally Foundation, Villa Heleneum, Lugano, jusqu'au 12 janvier 2025.
ballyfoundation.ch