Il semblerait que les sauveurs du monde soient fatigués et, face au poids grandissant des misères, préfèrent disparaître quelque temps avant de refaire surface... Après le fameux Salvator Mundi attribué à Léonard de Vinci, vendu pour 450 millions de dollars chez Christie's en 2017 et invisible depuis lors, c'est au tour de l'autoportrait en salvator mundi de l'Autrichien Max Oppenheimer (1885-1954) de connaître un fabuleux destin. Considérée comme définitivement perdue, la toile est réapparue il y a quelques mois et, après accord avec les héritiers de son premier propriétaire spolié par les nazis, a rejoint en août dernier les collections du musée Leopold. Le moment n'aurait pu être plus opportun avec la première grande rétrospective du peintre prévue à l'automne par le musée, qui poursuit sa série d'expositions dédiées à des figures de l'âge d'or viennois trop oubliées. Anton Kolig, Anton Romako, Richard Gerstl, Josef Pillhofer... La liste des grands esprits étouffés par la guerre est longue, et le travail pour en (re)découvrir le génie pas des plus simples. La vie et l'œuvre de Mopp, tel qu'il signe ses toiles, est exemplaire de ces parcours du combattant que tracent, puis retracent, artistes et historiens de l'art de l'époque. Contraint de quitter sa ville natale à plusieurs reprises entre 1914 et 1945, Mopp se réfugie à Prague, Genève, Zurich, Berlin, et enfin New York, où son cadavre n'est retrouvé que quelques jours après sa mort en 1954. Sa vie mouvementée et ses ateliers éparpillés expliquent en partie la difficulté que rencontrent les historiens à identifier et retrouver ses toiles, dont beaucoup ont été ensuite spoliées sans documentation officielle. La perte n'est pas que matérielle, la disparition d'une œuvre concourant trop souvent à celle, dans les livres et les mémoires, de l'artiste lui-même. Dans ce contexte, l'annonce il y a quelques semaines du don par un mécène privé du Portrait d'Arthur Schnitzler de Max Oppenheimer au musée Leopold est d'autant plus réjouissante. Preuve qu'il n'est jamais trop tard pour sauver les sauveurs du monde.
« Max Oppenheimer. Expressionist pioneer », jusqu'au 25 février au Leopold Museum à Vienne
leopoldmuseum.org