Juive allemande devenue vénézuélienne en 1935, architecte devenue artiste, Gertrude Goldschmidt, alias Gego, a donné à ses lignes leur « vitesse de libération », jusqu’à les « faire sortir du papier », selon sa formule. Ces lignes de fer qui s’élancent dans le vide, surgies du mur ou du sol, sont immédiatement musicales : les fils de métal noués évoquent à la fois des squelettes d’instruments, lyre ou harpe, et une portée de notes. Cette musique silencieuse est faite non pas de notes et de silences, mais de filaments et d’ombres : l’ombre, cet extérieur qui, chez Gego, fait partie de l’œuvre. En 1970, elle entame sa série des « Chorros », cascades de fines tiges métalliques inspirées des chutes d’eau des environs de sa maison. Ses cascades se densifient en « Reticuláreas » (Réticulaires), superpositions de quadrillages arachnéens, réinterprétation de l’urbanisme moderniste de Caracas, inspirés de la lecture de l’Anti-Œdipe et de Mille Plateaux, les deux opus de Gilles Deleuze et Félix Guattari et de leur éloge du rhizome qui, écrivent-ils, « n’a pas de commencement ni de fin, mais toujours un milieu, par lequel il pousse et déborde ». En ce début 2024, 30 ans après sa disparition, l’œuvre de Gego clôt un cycle fastueux avec cette troisième grande exposition après le Museo Jumex de Mexico (février 2023) et le Guggenheim de New York (mars à septembre 2023). Avec 150 pièces du début des années 1950 au début des années 1990 (sculptures, dessins, gravures, textiles et livres d'artiste, photos d'installations et de commandes publiques, croquis, lettres), cette exposition est une fenêtre sur l’univers de cette artiste latino-américaine majeure.
Musée Guggenheim Bilbao, jusqu’au 4 février 2024
guggenheim-bilbao.eus
gegoartista.com/en/