En 2023, l’un a fêté ses 70 ans, l’autre ses 10 ans… Le premier est le Musée arménien de France, créé en 1953 par l’industriel Nourhan Fringhian, aujourd’hui dirigé par son fils Frédéric. Le deuxième est Iconem, société fondée par Yves Ubelmann, qui numérise des sites menacés du patrimoine pour en préserver la mémoire. Si les deux sont réunis à la fondation Boghossian, avec une dizaine d’artistes contemporains (dont Antoine Agoudjian et Sarkis), c’est pour montrer la richesse de la culture arménienne, tout le temps menacé, tout le temps renaissante… Quoique aujourd’hui sacrément en danger, de toutes parts. Si l’on sait la détresse du Haut-Karabakh depuis la victoire azérie, l’exode de sa population et les menaces qui pèsent sur ses églises, les reconstitutions immersives d’Iconem montrent que même sur le territoire arménien, l’État n’a pas les moyens d’entretenir ces joyaux que sont les monastères de Geghard, Hayravank ou Kirants. Et le musée ? Dans l’incapacité d’utiliser l’espace qui lui est dévolu avenue Foch à Paris, en raison d’un conflit avec le musée d’Ennery et Foch qui en sont les affectataires principaux, il est contraint à des présentations éphémères et partielles. Celle-ci est à ne pas manquer. Elle réunit une sélection raisonnée de ses 1 200 pièces – couvrant plus de 2 000 ans d’histoire depuis l’Arménie pré-chrétienne jusqu’à nos jours - dont des trésors comme l’Évangile d’Erzeroum, manuscrit de 287 pages de 1584, le synaxaire du couvent du Saint-Signe d’Erzinka, mais aussi de l’orfèvrerie sacrée, des parements liturgiques, de la céramique de Kütahya… Une nouvelle occasion de regretter le manque douloureux d’une exposition permanente et le statu quo qui entoure le destin du musée.
« Arménie. Le temps du sacré » jusqu’au 10 mars, fondation Boghossian-villa Empain à Bruxelles.
boghossianfoundation.be