Les aiguières de Marie-Antoinette, les panneaux de laque réutilisés par les grands ébénistes du Faubourg Saint-Antoine, les porcelaines chinoises d'Edmond de Goncourt, la passion japoniste de Van Gogh puis de l'Art nouveau, on connaissait à peu près. Mais cette exposition dijonnaise, qui a obtenu une prolongation bienvenue de deux semaines, nous en apprend bien davantage sur les ressorts qui ont animé les collectionneurs français d'objets asiatiques. Depuis le XVIIIe siècle et jusqu'aux premières vraies missions scientifiques des années 1900 (avec une étonnante vitrine finale sur le séjour du jeune Leroi-Gourhan au Japon en 1937-39, avec samouraï miniature, bouilloire ancienne et semelles en paille de riz), diplomates, missionnaires ou aventuriers ont sillonné le continent au-delà du 90e degré est. Conséquence louable de la constitution d'une base de données par l'INHA (voir QDA du 11 octobre 2022), l'exposition permet de révéler 100 pièces du musée des Beaux-Arts de Dijon (sur son fonds de quelque 1 200) jamais exposées depuis l'après-guerre. Y figure notamment un extraordinaire paravent en laque de Coromandel, qui avait été remonté en décor de boiserie par un érudit et collectionneur local, le parlementaire Jehannin de Chamblanc. Grâce aux prêts de 25 institutions (Louvre, Guimet, quai Branly et Cernuschi, évidemment, mais aussi Alençon, Colmar ou Rouen), soit 250 autres œuvres, resurgissent une douzaine de profils de découvreurs chez qui s'entremêlent la curiosité, l'audace, un polyglottisme étonnant voire un engagement colonial sans faille... Des carnets de Philippe Burty (1830-1890, inventeur du terme japonisme) au fonds d'estampes de Florine Langweil (1861-1958), rivale du célèbre marchand Bing, des errances coréennes de Victor Collin du Plancy (1853-1922) aux passions khmères de l'ancien typographe devenu administrateur Adhémard Leclère (1853-1917), il flotte comme une odeur de Lotus bleu et de Voie royale sur ce fascinant cabinet de curiosités...
« A portée d'Asie. Collectionneurs, collecteurs et marchands d'art asiatique en France, 1750-1930 », au musée des Beaux-Arts de Dijon, jusqu'au 5 février 2024.
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