Éparses sur le parquet d'un salon progressivement gagné par l’obscurité, quatre cagoules rouges hérissées de seize électrodes et d’une carte d’acquisition d’ondes cérébrales attirent le regard. Quatre bonnets sans fil pour quatre cobayes qui, après les avoir enfilés, doivent expérimenter le « cinéma émotif et interactif » inventé en 2014 par la cinéaste et chercheuse Marie-Laure Cazin. Présente, celle-ci les aiguille en partie : « Il y a d’abord une phase de calibration avec des sons à écouter ». 167 exactement, afin que l’ordinateur central auquel les casques sont reliés puisse intégrer et calculer l’intensité, la positivité ou la négativité des réactions émotionnelles des spectateurs en fonction du niveau d’activité électrique de leurs cerveaux. C’est grâce à ce dispositif en temps réel qu’à deux reprises le scénario du court-métrage Mademoiselle Paradis pourra évoluer. Un état encore de prototype, qui fait écho à l’histoire mise en scène : le film raconte les débuts du « magnétisme animal », méthode créée par le médecin allemand Franz-Anton Mesmer (1734-1815), et aujourd'hui contestée, utilisée notamment pour soigner Maria Theresia von Paradis, une pianiste viennoise aveugle.
Comme indices de ces bifurcations, des vignettes bleues et jaunes apparaissent au bas de l’écran. « C’est très difficile d’analyser des émotions, il faudrait plus de capteurs spécifiques. Mais cette palette de couleurs – jaune pour l'émotion positive, bleu pour la négative – reflète déjà la balance du spectateur entre excitation, attraction et répulsion », prévient Marie-Laure Cazin, également professeure à l’École supérieure d’art et de design du Mans (TALM). Composée par Andrea Cera, la bande sonore varie également selon le ressenti. En sondant leurs mondes mentaux, même à un premier niveau de perception, l'artiste voit une manière d’« intégrer l’intériorité des regardeurs dans l'œuvre ». Le prolongement de ce travail s’est enrichi d’une résidence à l’Université de…