En 1903, Klimt fait scandale à Vienne avec sa toile Goldfische (poissons rouge) où trois femmes nues s'exposent joyeusement aux regards des passants. L'une d'entre elles, peinte de dos, les fesses à l'air libre, tourne même sa tête comme pour mieux attiser avec son sourire narquois le désir interdit du spectateur convenu. D'abord intitulée « À mes détracteurs », la toile est une réponse aux critiques hostiles et conservatrices qu'avait reçues Klimt à l'égard de ses fresques pour les facultés de philosophie, médecine et droit de l'Université de Vienne. « Golfische est un tableau que j'ai toujours en tête. C'est essentiellement une toile qui dit ''fuck you''. J'ai eu envie d'en peindre à mon tour », explique l'artiste grecque Sofia Mitsola à propos de l'exposition « Villa Venus », dont le nom fait référence au bordel de luxe imaginé par Nabokov dans Ada ou l'ardeur. Ce qu'elle admire chez ces deux maîtres, c'est la représentation sans complexe de la vie érotique des femmes. Sans prétendre à copier leurs inégalables styles, la jeune peintre entend s'inspirer de leur œil provocateur pour faire fusionner des millénaires d'histoire de l'art et en offrir un concentré explosif. À l'image des autres toiles aux couleurs et à l'esthétique très pop, Infinity Pool remet ainsi au goût du jour les figures archaïques de la korê, de la déesse, de la sirène et du sphinx, mais aussi des plus modernes héroïnes de bandes dessinées, dont on devine la présence dans les yeux et le sourire des personnages, et jusqu'aux célébrités provocantes des réseaux sociaux d'aujourd'hui, comme l'ancienne actrice porno Mia Khalifa (27 millions d'abonnés) que Sofia Mitsola cite gaiement comme inspiration. Autant de figures qui attirent et invitent à plonger, pour le meilleur ou pour le pire.
« Villa Venus », jusqu'au 22 décembre à la galerie Eva Presenhuber à Zurich, presenhuber.com
