Le Quotidien de l'Art

L'image du jour

Résister

Résister

La posture interpelle d’emblée. Une jeune femme agenouillée devant un mur dans un coin de pièce désert. Droite, mais la tête baissée, le visage de profil caché par les cheveux. L’ombre discrète portée au sol et au mur suggère qu’un rayon de lumière vient éclairer la scène depuis une ouverture qu’on ne voit pas. Ce rayon fait briller sa peau nacrée et sa tunique transparente collée au corps laissant voir ses formes féminines. Mais on comprend que l’intention n’est pas celle d’une figure érotique. Le silence plane sur cette toile inquiétante au décor sommaire. La souffrance se perçoit dans le non-dit. Quelle est cette pénitence ? Anahita Masoudi, artiste iranienne née en 1979 qui a vécu à Istanbul et à Paris avant de retourner en 2020 à Téhéran où elle privilégie maintenant le dessin, connaît les tortures physiques et morales de l’enfermement de la femme, sous toutes ses formes. Visuellement aux antipodes de la burqa, sa tenue légère de femme libre dénonce comme par une antiphrase picturale le sort de ses semblables, laissant paraître à travers l’étoffe sa signature gravée sur le bras. Cet autoportrait, sujet de prédilection de l’artiste, renvoie à d’autres œuvres où la femme nue est immobilisée assise, empaquetée dans une gangue de plastique, ou affaissée dans une baignoire, le corps en perpétuelle résistance. La toile est présentée dans l’exposition « Figurations » que le commissaire, Guy Boyer (qui vient d'être élu ce 28 juin membre correspondant de la section de peinture à l'Académie des beaux-arts), met au pluriel en rappelant le propos de Picasso « Il n’y a pas d’art figuratif ou non figuratif. Toutes choses nous apparaissent sous forme de figures ».

Article issu de l'édition N°2640