Le Quotidien de l'Art

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Design : les plateformes en ligne, incontournables du marché

Design : les plateformes en ligne, incontournables du marché
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Art et design à portée de clic, telle est la promesse des incontournables 1stdibs, The Invisible Collection, Proantic, Selency, Leboncoin, et bien d’autres. Dans un monde globalisé post-pandémie, le marché de l’art ne peut faire fi de ces plateformes. Et elles l’ont bien compris.

L’association entre Ebay et Sotheby’s en 2015 prouvait déjà l’accointance entre deux mondes : donnant aux utilisateurs de la première accès aux ventes de la seconde, la démocratisation était en route, accentuée ensuite par le Covid-19 et l’impossibilité de se déplacer. Les chiffres donnent le vertige : 1stdibs affiche environ 850 000 pièces, 8,4 millions de visites mensuelles et 26,9 millions de dollars de chiffre d’affaires pour le dernier trimestre 2022. En comparaison, la jeune Française Selency cumule 350 000 objets, 3 millions de visites mensuelles, pour un panier moyen aux alentours de 300 euros. Charlotte Cadé, co-fondatrice de Selency, revendique néanmoins une grande différence de positionnement : « Nous ne voulons être pointus que dans un seul domaine, celui de la maison : l’idée est de couvrir cet univers au sens large avec des pièces uniques, authentiques et durables ». Le géant américain 1stdibs, l’un des leaders du secteur, assume quant à lui son placement haut de gamme et central dans le marché de l’art.

Le marchand Damien Tison le confirme : « c’est 1stdibs qui fonctionne le mieux », devançant de loin ses concurrents directs comme l’Allemand Pamono ou le Français Design Market, que le marchand a quittés par manque d’attractivité. Présent sur la plateforme depuis 2018, il vend aussi sur Pro Antic depuis plus d'un an, profitant de conditions préférentielles : un abonnement unique, aux alentours de 500 euros – négociables – pour l’année. Car la politique tarifaire est le nerf de la guerre. Ainsi une rapide enquête auprès de quelques marchands présents sur 1stdibs révèle une grande disparité de contrats : jouant sur la notoriété des galeristes, l’abonnement mensuel peut varier de zéro à plus de 600 euros, auxquels s’ajoutent des frais sur chaque vente allant jusqu’à 25 %. Conséquence ? Les personnes sondées l’avouent à demi mot : elles gonflent leurs prix pour pallier les frais des différents sites. De jeunes galeristes, uniquement présents en ligne, sont dès lors moins dithyrambiques, et plébiscitent les plateformes où la simple inscription permet d’accéder à des ventes sans frais, comme Ebay, Leboncoin ou VNTG.

Places stratégiques

L’autre point nodal est le catalogue, participant du rayonnement de la plateforme et directement relié à la clientèle touchée. Sur 1stdibs, l’immense majorité des acheteurs sont des architectes d’intérieur alors que l’éclectisme est de mise sur les autres plateformes. Toutes ont néanmoins mis en place des « services pros » offrant des privilèges. Damien Tison précise qu’il met en ligne uniquement des objets non vendus depuis un certain temps, et privilégie les ventes dans sa galerie parisienne, qui représentent 40 % des transactions, contre 15 % pour les digitales, 25 % dans les foires et 20 % via son propre site internet. Mais le marchand est catégorique : « Je ne suis pas sur les plateformes de ventes de gaîté de cœur. Si je pouvais faire sans, je le ferais, mais c’est impossible ».

C’est ainsi que les stratégies des galeries se rejoignent. Si pour certaines jeunes galeries, la présence en ligne leur apporte leur unique source de revenus, pour leurs homologues plus établis, elle est essentielle à l'augmentation du chiffre d’affaires : les célèbres Patrick Seguin, Chastel-Maréchal, Portuondo ou encore Modernity sont ainsi présents sur 1stdibs.

Vers une digitalisation de l’expertise

Si les galeristes engagent leur responsabilité, l’ouverture de certains sites aux particuliers pose la question de l’expertise. À ce jeu, Catawiki a rebattu les cartes avec son armée d’experts et expertes offrant leurs services pour évaluer les objets sur photographie. À cette transparence s'oppose le mutisme de Selency quant au nom de l’expert indépendant enregistré au CEFA avec lequel travaille l'entreprise. Il est important de préciser qu’aux yeux de la loi, les plateformes de vente en ligne sont considérées comme des sites e-commerce et ne sont donc pas soumises à la même législation que les protagonistes du marché de l’art. Soulignant qu’aucun faux n’a été retourné depuis la création de Selency, Charlotte Cadé précise que son label « modèle authentifié par nos experts » n’a pas de valeur juridique : il est cependant un outil marketing puissant et offre un niveau de sécurité supplémentaire.

Ces Googles du marché de l’art sont les reflets d'une digitalisation du monde difficile à freiner. Mais une expertise réalisée uniquement sur photo est-elle suffisante et souhaitable ? Le législateur doit s’emparer de la question pour accompagner au mieux toutes les parties impliquées.

Damien Tison.
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Charlotte Cadé.
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NICOLAS MESSYASZ/SIPA
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Article issu de l'édition N°2603