Cette image générée par l’intelligence artificielle (IA) à partir d’un texte met en émoi le monde de la photographie, et au-delà. Avec son noir et blanc aux accents nostalgiques, la beauté de la femme au premier plan et l’émotion de celle au second, la photo a tout pour plaire. Et elle a séduit le jury du Sony World Photography Awards composé de professionnels – photographes, conservateurs de musée et commissaires d’exposition – venus d’Angleterre, d’Afrique du Sud, du Brésil, des Pays-Bas et de Corée. Désigné lauréat, son auteur, l’Allemand Boris Eldagsen, a décliné le prix et expliqué qu’il l’avait présentée pour susciter le débat. C’est réussi. Certes, la question de la véracité de l’image n'est pas nouvelle : elle a jalonné l’histoire du médium et s’est enflammé avec l’apparition des logiciels de retouche. Dans les années 2000, Jean-François Leroy, directeur du festival de photojournalisme Visa pour l’image, en avait dénoncé l’utilisation abusive. Avec la démocratisation des outils de l’IA, les exemples se multiplient. Images inventées pour accréditer la thèse des violences policières, Emmanuel Macron cerné par une foule hostile ou un sac poubelle à la main, policier consolant une manifestante, pape en doudoune branchée, etc. En peu de temps, on est passé de la falsification à l’invention pure et simple des images. S’il peut apparaître anecdotique quand il concerne le monde de la création (bien qu’à terme on puisse se demander si cela ne sonne pas le glas d’une profession), le sujet est particulièrement préoccupant quand il touche le domaine de l’information. Aujourd’hui les « bugs » permettent souvent de détecter les fakes, – notamment les mains à six doigts –, mais demain ? Saura-t-on reconnaître ce qui a été, pour citer Roland Barthes, de ce qui n’a jamais existé ?
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