Lisetta Carmi
Galerie Ciaccia Levi
À l’ombre des cyprès, elles veillent jour et nuit sur les défunts. Dix-mille statues de marbre peuplent l'immense nécropole de Staglieno à Gênes, qui depuis le milieu du XIXᵉ siècle voit défiler quidams et personnalités (Nietzsche, Maupassant ou Twain) venus s’émouvoir de la tristesse d’une fillette, de la dignité d’une épouse agenouillée ou des rides d’une vieille vendeuse de noisettes. Certaines sont si populaires qu’on peut les retrouver sur la pochette de l’ultime album de Joy Division ou sur le bras de David Beckham. Les plus admirées sont des femmes : implorantes pour beaucoup, elles sont parfois dénudées, voire complètement nues, aux côtés d’hommes bourgeois habillés de leur plus beau complet-veston. L’appareil photo de Lisetta Carmi capta avec maestria ce glaçant mélange de religion, d'Eros et Thanatos, où les frontières entre chagrin et extase s’effacent, enfermant la figure féminine dans l'archétype de la soumission patriarcale. Tout comme sa série « I Travestiti », qui suivit avec empathie la communauté transgenre de Gênes dans les années 1960, ces clichés au tournant des décennies 1960 et 1970 furent refusés par le directeur de la revue Domenica del Corriere, au motif du conformisme : « Les…