Resté caché au sein d'une maison familiale en France depuis le début du siècle dernier, L'Avocat du village de Pieter Brueghel II (1564-1636) pourrait bien prendre le large... La toile, inconnue du marché de l'art, a été retrouvée lors d'un inventaire par le commissaire-priseur Malo de Lussac (Daguerre Val de Loire), qui se souvient avoir été d'emblée surpris par sa taille : haute de 112 cm et large de 184 cm, c'est la plus grande composition connue du peintre. « Cela confère une nouvelle vision à l'œuvre de Brueghel - de nouvelles questions, recherches et opportunités s'ouvrent pour les historiens de l'art. C'est toujours émouvant de découvrir des tableaux qui changent la donne d'un artiste », détaille l'expert. Les formats habituels de ce sujet pictural inventé par Brueghel, dont on dénombre une centaine de versions, oscillent d'ordinaire entre 55/75 cm de hauteur et 100/120 cm de largeur. Le peintre ne reprend pas ici une composition de son père, comme il le fait la plupart du temps, mais donne forme, avec un regard éminemment critique, à un sujet populaire à son époque : l'occupation espagnole. Tandis que les vêtements, chapeaux usés et postures rétractées des paysans debout suggèrent le poids d'un quotidien miséreux, le notable espagnol qui leur fait face, sans pour autant daigner les regarder, est confortablement assis, veste luxueuse et mortier le distinguant un peu plus encore. C'est que les détails en disent long dans cette composition : grâce au mur tapissé de cordes tressées au fond ainsi qu'à la couleur claire de la chemise du personnage isolé sur la gauche, la toile peut être datée entre 1615 et 1617. Toutes les variantes du sujet peintes ensuite suivent les modes esthétiques de l'époque, qui avaient vu les décors de cordes se perdre et le blanc des chemises remplacé par du rose foncé. Estimée à 600 000 - 800 000 euros après une double expertise du cabinet Turquin et du cacique de Brueghel, Dr Klaus Ertz, la toile sera mise en vente à l'hôtel Drouot le 28 mars.
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