Depuis 2003, cinq œuvres de Claude Lévêque, regroupées sous le titre Manifesto, sont accrochées au fronton et dans les locaux de l'École nationale supérieure d'architecture de Grenoble (ENSAG), bâtie en 1978 et signée Roland Simounet. Réalisés lors d'une résidence avec des étudiants, dans le cadre d'une commande au titre du 1 % artistique pour l'extension du bâtiment, les néons sont la propriété de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes. Sur des modèles de la main de la mère de l'artiste sont écrits les mots « ange », « face-à-face » ou « et caetera », choisis par les étudiants, d'autres sont plus abstraits. Suivant la volonté de Claude Lévêque au moment de leur accrochage, ils ne sont pas accompagnés de cartels. Au printemps 2021, suite aux révélations des accusations de pédocriminalité contre l'artiste, un collectif d'étudiants engagé contre les violences sexuelles et sexistes a décidé de réagir : les œuvres ont alors été bâchées et accompagnées de cartels explicitant l'affaire. Robinson Rossi, étudiant et membre du conseil syndical de RER-A (Représentation étudiante et revendications architecture), explique cette démarche : « L'école est un espace public. Ces œuvres véhiculent une banalisation et silenciation des violences sexuelles ». Les emballages et les cartels ont été immédiatement retirés par l'école, tandis qu'un dialogue s'est engagé avec la directrice, Marie Wozniak. Celle-ci a organisé un an plus tard, en avril 2022, une table-ronde, conviant les étudiants à discuter avec François Barré, qui fut notamment président du Centre Pompidou et des Rencontres d'Arles, et Céline Bonicco-Donato, professeure de philosophie à l'ENSAG. Pour cette dernière, « les termes affichés interpellent, surtout dans un lieu de travail et d'épanouissement pour des jeunes personnes ». Lors de la table ronde, « un débat générationnel a émergé entre les étudiants et François Barré, qui faisait valoir la présomption d'innocence et ramenait nos revendications a une suranalyse des œuvres », témoigne Robinson Rossi. Céline Bonicco-Donato ne plaide pas, quant à elle, pour un décrochage, mais « au moins des cartels explicatifs sur cette question problématique ». De son côté, Marie Wozniak précise : « Les œuvres, légèrement dégradées, appartiennent à la DRAC, qui nous a explicitement intimé de ne pas y toucher ». La directrice a cependant pris la décision d'éteindre celle apposée au fronton, Ange : « C'est la seule à l'extérieur, et elle dit quelque chose de l'imaginaire de l'enfance. Par ailleurs elle a été conçue en lien avec la mort d'un jeune homme, et cela résonnait trop fort ». Ni la DRAC ni l'artiste ont contesté cette décision. Le ministère de la Culture n'a, quant à lui, pas réagi aux sollicitations de Marie Wozniak : « On aurait pu réfléchir ensemble, avoir un temps d'échange avec d'autres institutions confrontées au même problème pour nourrir la réflexion ». Aujourd'hui elle souhaite inviter un ou une artiste en résidence, pour « faire le récit de ce qui a été dit, et que les termes du débat soient visibles dans le bâtiment même ».