White Cube avant l'heure, le grand hall aux murs blancs et plafond en verrière de la Sécession de Vienne, plus ancien site d'exposition indépendant au monde à être expressément voué à l'art contemporain depuis sa fondation en 1897 par le groupe d'artistes et amis réunis autour de Gustav Klimt (Kolo Moser, Carl Moll, Josef Hoffmann...), accueille une petite dizaine d'expositions annuelles, qui explorent l'infinie variété d'expressions artistiques d'hier et d'aujourd'hui selon le mot d'ordre apposé sur la façade « À chaque époque son art, à l'art sa liberté ». Belle ironie du sort que d'y voir exposée ces jours-ci l'œuvre du Suisse Jean-Frédéric Schnyder (né en 1945 à Bâle), dont le but aura précisément été de reprendre les codes des genres et courants de l'histoire de l'art pour les déjouer. Nature morte, nu, paysage et scène de genre passent tour à tour sous sa touche rassemblant le meilleur et le pire du romantisme, symbolisme, réalisme, impressionnisme... En ressortent des œuvres à mi-chemin entre humour, kitsch et persiflage des canons traditionnels - mais qui toujours gardent la ligne droite. Au sens propre comme figuré, car ces 102 toiles issues de quarante ans de carrière (1983-2021), à la dimension gentiment satirique, sont aussi méticuleusement exposées selon l'immuable ligne directrice de l'artiste, qui veut que ses œuvres soient accrochées à intervalles réguliers et, augmentant de taille de l'avant vers l'arrière, puis diminuant à nouveau, forment un fil horizontal et circulaire. Histoire de dire que, même dans les salles carrées des musées, il n'y a jamais de quoi tourner en rond.
« Jean-Frédéric Schnyder », Sécession, Vienne, jusqu'au 5 février, secession.at