Les tops et les prix en disent souvent plus sur celles et ceux qui les désignent que sur les lauréats. Cette édition 2022 de la liste Power 100 d'ArtReview, censée établir le classement des personnalités les plus influentes de l'art dans l'année écoulée, ne fait pas exception. « Le pouvoir n'appartient plus seulement à ceux qui sont solidement au sommet de leurs hiérarchies respectives, mais aussi à ceux qui perturbent la façon habituelle de faire les choses », fait remarquer le magazine. C'est aussi, peut-on ajouter, que l'attention et l'écoute se sont déplacées. Depuis #MeToo en 2018 ou le mouvement Black Lives Matter en 2020, les phénomènes de société s'y invitent : cette année ce sont les syndicats de musées (le prisme étant très américain) qui se placent à la troisième place d'une liste par ailleurs à peu près paritaire. On attendait plutôt à la première place Cecilia Alemani, directrice artistique d'une Biennale de Venise éblouissante, mais elle est placée juste derrière ruangrupa, commissaire de la Documenta 15 de Cassel, comme un pied-de-nez à la revendication d'horizontalité du collectif indonésien. Un vote qui montre, malgré les polémiques partisanes, la reconnaissance d'un changement de paradigme dans le système de l'art. D'autres artistes engagés figurent haut dans le classement : Nan Goldin, Hito Steyerl, Theaster Gates, Forensic Architecture. Suivent des auteurs et autrices qui infusent la pensée de l'art actuel : le théoricien Fred Moten, l'autrice de science-fiction Donna Haraway, l'historien Achille MBembe, les philosophes Paul B. Preciado et Judith Butler. Les méga-galeristes sont toujours là, mais relégués plus loin qu'auparavant. Signe d'un temps où l'hégémonie et le fonctionnement des musées sont remis en cause, Glenn D. Lowry, directeur du MoMA, est passé de la première place en 2019 à la 54e. Côté Français enfin, on retrouve Emmanuel Perrotin et Kader Attia, commissaire de la Biennale de Berlin, alors que Guillaume Désanges, président du Palais de Tokyo, fait son entrée à la 77e place.