« Tout part d’un fragment de matière ou de souvenir », détaille Louisa Raddatz, dont la compréhension du vivant repose sur une dualité profonde : la matière et la mémoire, soit l’étendue physique et l’intériorité psychologique, qui se révèlent à nous à travers deux gestes.
Deux lignes de vie divergentes
D’abord archiver rigoureusement chaque matériau naturel récolté dans les paysages basques et landais, en suivant les catégories de l’entendement. Recueillir chaque objet témoignant de l’histoire familiale de l’artiste (photos, lettres, souvenirs…) à la manière de son père, nous confie-t-elle, qui conservait toute coupure de presse parlant de la conquête spatiale – elle cite ici le fameux Atlas mnémosyne d’Aby Warburg comme référence –, et reclasser les images du destin hors-norme de ses deux sœurs parties du jour au lendemain aux États-Unis mener une vie itinérante. Puis réutiliser ces fragments dans des mises en scène foisonnantes où s’exprime la pleine vitalité d’un monde en perpétuel mouvement, qui croît sans cesse… Le fixe et le mouvant, l’inerte et l’animé, le simple et le complexe, le naturel et l’artificiel, l’intime et l’universel, le passé figé et l’avenir imprévisible, la petite et la grande histoire se répondent et s’entrecroisent finalement dans les installations de l’artiste.
Louisa Raddatz définit ainsi sa propre pratique comme une « archéologie obsessionnelle et familiale », qui se développe à la façon d’un « rituel » ou d’un « geste compulsif fondé sur le tri, la hiérarchisation, l'assemblage, l'ajout, l'accumulation, l'envahissement, la répétition, l'unification… et finalement, la vie ». Car si l’artiste range au préalable chaque bribe qui ponctuera ses installations, et suit de ce fait les systèmes de classification rationalistes, son œuvre nous invite également à « aller à rebours de la pente naturelle de l’intelligence pour plonger dans le courant créateur et dynamique du vivant » (Henri Bergson, L’ Évolution créatrice). Deux lignes de vie…