Le Quotidien de l'Art

Marché

Les NFT sont morts, vive le crypto-art !

Les NFT sont morts, vive le crypto-art !
Olafur Eliasson, " Your View Matter ", 2022.
Courtesy Olafur Eliasson and Acute Art.

Alors que le marché des NFT connaît une baisse, des acteurs du crypto art continuent à y croire, et à en décliner les possibilités créatives.

Entre la chute des cours des crypto-monnaies, la baisse du volume des ventes de plateformes comme OpenSea (qui ont perdu plus de 90 % par rapport à leurs records d’il y a quelques mois), et les innombrables vols, arnaques en tout genre, défauts de prêts garantis par des NFT ou encore ventes à perte, il ne fait pas bon, ces temps-ci, être propriétaire de NFT. Rien de bien surprenant : dans tout marché financier, ce qui monte doit redescendre. Nous sommes dans un marché en baisse après la bulle spéculative de 2021. Le marché a ralenti, mais est aussi moins instable, permettant un réajustement des attentes des artistes et collectionneurs en termes de prix, de rapidité de vente et de revente. 

À ce paysage morose, ajoutons les débats récents qui s'échauffent sur Twitter autour du droit de suite et de la propriété intellectuelle. En vérité, ils mettent à jour des problèmes que le marché de l’art connaît depuis longtemps, et que beaucoup pensaient – à tort – résolus par les smart contracts, protocoles informatiques qui exécutent les termes de ventes des NFT sur la blockchain. Ainsi les auteurs de NFT ont souvent reçu la promesse de royalties automatiquement payées à chaque revente. Mais le lancement de deux plateformes, Sudoswap et x2y2, qui permettent aux acheteurs de contourner cette redevance, a montré que le paiement se fait vers les plateformes et non les NFT eux-mêmes. De la même manière, les questions de licences et de propriété intellectuelle sont au centre des débats, avec des artistes comme XCOPY et des projets comme Moonbirds, qui ont récemment décidé de changer leurs termes d’utilisation, passant d’un copyright strict (l’artiste ou le projet conserve tous les droits de reproduction) à une licence libre pour utilisation commerciale (CC0). On revient donc sur Terre : les NFT ne sont pas magiques et ne résolvent pas tous les problèmes du marché de l’art.

Segmentation

Mais les artistes, collectionneurs et lanceurs de projets qui croient en la technologie et la communauté sont toujours là. Les premiers sont enthousiastes d’essayer de nouveaux outils numériques. Les collectionneurs dits diamond hands (prêts à prendre des risques élevés pour les investissements volatiles, ndlr) soutiennent encore les artistes (par opposition aux paper hands dans le jargon crypto-financier). Enfin, comme le soulignait récemment Jason Bailey, fondateur de ClubNFT et Right Click Save, les projets NFT les plus intéressants (CryptoPunks en 2017, SupeRare & KnownOrigin en 2019) ont été lancés quand les valeurs des crypto-monnaies étaient à la baisse, temps propices à l'innovation et à la création en l’absence de la pression constante des marchés et des spéculateurs. 

Un autre phénomène intéressant à noter est la maturation du marché des NFT par sa segmentation. La grande conférence annuelle NFT.NYC, dont la dernière édition s’est déroulée en juin 2022 à New York, en est la preuve. Pour la première fois, les différentes applications des NFT étaient clairement définies, et physiquement séparées : un espace pour le gaming, un autre pour l’art et un troisième pour la musique. Les centaines d'événements annexes étaient encore plus révélateurs : plutôt des événements artistiques que des soirées bling bling. On notera pour références une exposition à l'Alliance française, organisée avec l’aide de la New French Touch (société qui promeut la scène française des NFT, ndlr), une autre à la Pace Gallery, en collaboration avec Art Blocks, ou encore le rassemblement de la communauté d’artistes crypto dada.art autour d’une fête surréaliste. 

Page blanche

On commence également à voir l'adoption du format NFT par le marché de l’art traditionnel. De plus en plus d’artistes établis se lancent dans les NFT. Marina Abramović a lancé le 25 juillet dernier sur la blockchain Tezos son premier NFT, The Hero, une réinvention d’une de ses vidéos autobiographiques. Frank Stella a lancé sa première série de NFT, Geometries, avec Artists Rights Society le 8 septembre, et MetaKovan, propriétaire de l’œuvre de Beeple vendue chez Christie’s, a commandé à Olafur Eliasson une œuvre en réalité virtuelle intitulée Your View Matter, associée à une série de NFT. De même, les galeries commencent à représenter des artistes crypto. On pourra mentionner l’artiste Sarah Meyohas, qui a lancé le projet conceptuel Bitchcoin (2015), et est maintenant représentée par la galerie new-yorkaise Marianne Boesky. Enfin, les partenariats entre acteurs crypto et ceux du marché de l’art se multiplient, comme celui entre Pace et la plateforme d’art génératif Art Blocks, la collaboration entre la blockchain créative Tezos et la foire Art Basel ou encore le rapprochement du Sotheby’s Institute of Art et de Right Click Save pour l’enseignement. 

En plus de l’attente des nouvelles annonces de partenariats stratégiques, l’automne sera sans aucun doute haut en couleurs. Plusieurs tendances sont à surveiller, à commencer par « The Ethereum Merge » annoncé pour le 15 septembre, qui est le passage de la blockchain Ethereum à un nouveau type de fonctionnement plus respectueux de l’environnement appelé « Proof of Stake ». Au-delà du défi technique, des préférences devraient se confirmer, comme la photographie ou l’art génératif. Il faut garder un œil sur la poésie, pour laquelle le collectif TheVerseVerse présente des collaborations entre poètes, artistes visuels et intelligence artificielle. Ou encore l’architecture évolutive du métavers, lancée par Krista Kim et sa Mars House l'année dernière, et qui se poursuit avec les édifices solides génératifs d’0xfar ou encore The Meeting Place, espace culturel virtuel collaboratif imaginé par Benny Ohr et l’artiste français Cyril Lancelin dans le métavers Spatial.io. L'acteur Anthony Hopkins a lui aussi lancé sa série de NFT, déclarant : « Les NFT sont une page blanche pour la création artistique ». Tout reste à faire. 

Conférence NFT NYC. 2022.
Conférence NFT NYC. 2022.
Courtesy NFT NYC.
Marina Abramovic's  " The hero 25FPS " Courtesy of the artis and CIRCA.
Marina Abramovic's " The hero 25FPS " Courtesy of the artis and CIRCA.
Courtesy of the artis and CIRCA.
Frank Stella.
Frank Stella.
Courtesy of Arsnl.
Frank Stella, " Geometry I " , 2022, NFT.
Frank Stella, " Geometry I " , 2022, NFT.
Courtesy of Arsnl.
Frank Stella, " Geometry XXII " , 2022, NFT.
Frank Stella, " Geometry XXII " , 2022, NFT.
Courtesy of Arsnl.
Sarah Meyohas, " Liquid Speculation #23 ", 2021, C-print, 152.4 x 101.6 cm.
Sarah Meyohas, " Liquid Speculation #23 ", 2021, C-print, 152.4 x 101.6 cm.


Courtesy of the artist and Marianne Boesky Gallery, New York and Aspen. © Sarah Meyohas.

Kalen Iwamoto, “Emerge” et “W-A-R Zone”, NFT.
Kalen Iwamoto, “Emerge” et “W-A-R Zone”, NFT.
Courtesy Kalen Iwamoto.
Kalen Iwamoto, “Emerge” et “W-A-R Zone”, NFT.
Kalen Iwamoto, “Emerge” et “W-A-R Zone”, NFT.
Courtesy Kalen Iwamoto.
Collection " Solids" Generative Architecture NFT Project par FAR.
Collection " Solids" Generative Architecture NFT Project par FAR.
Courtesy FAR.

Article issu de l'édition N°2447