Ce n'est ni un sous-marin, ni un mirage aquatique. Ce n'est pas non plus un bateau naufragé, ni même une toile à la renverse. Ou peut-être que si ? Car à mieux la voir et la concevoir, cette installation de grandes voiles blanches entre lesquelles on se promène et se faufile jusqu'à se perdre, pris au piège d'un labyrinthe de tissus sans issue, est un peu toutes ces choses et plus. Abritée au sous-sol, sous le plafond transparent du bassin d'eau de la Fondation Carmignac, la création in situ de Jorge Peris s'offre à nous comme une énigme visuelle qu'il fait bon de percer. Mais on a beau s'échiner à décrypter les lumineux reflets que l'eau et le soleil d'en haut viennent écrire sur ses surfaces triangulaires, l'œuvre semble précisément vouloir nous laisser hagard, déboussolé sous terre, noyé dans une mer d'étoffes sans queue ni tête. Alors, comme Ulysse brave avec patience les abysses, comme le Minotaure persiste avec vaillance dans l'errance, nous ne reculons pas devant l'inconnu qui s'ouvre à nous, et avançant avec clairvoyance, comprenons finalement qu'il est inutile de chercher un sens à toutes ces toiles. À mesure que les vents contraires brouillent et barbouillent la vision, il apparaît clairement que le message en bouteille que Francesco Stocchi, commissaire du musée Boijmans van Beuningen et capitaine de l'aventure esthétique et mythologique à laquelle invite l'exposition insulaire, menant de Martial Raysse à Cindy Sherman et Camille Henrot en passant par les eaux de William Kentridge, Olafur Eliasson et Miquel Barceló, nous lance ici à la sauvette n'est autre que l'adage bien connu, qui veut que ce n'est pas la destination mais le voyage qui compte.
« Le songe d'Ulysse », jusqu'au 16 octobre, Fondation Carmignac, Porquerolles, 83400 Hyères fondationcarmignac.com