Que la beauté puisse se nicher dans l'infiniment petit, on le savait. Et on savait aussi – depuis Karl Blossfeldt, notamment, ou Charles Jones, remis à l'honneur par Gilles Clément – que les végétaux pouvaient admirablement se prêter à une photographie géométrique, quasi Art nouveau. Thierry Ardouin, membre du collectif Tendance Floue, livre le résultat d'une décennie de travail avec le portrait de quelque 150 graines, dont les noms valent bien ceux des people du moment. Medicago arborea, Bidens frondosa (une cousine de l'hôte de la Maison-Blanche !) ou Hippocrepis scorpioides semblent sorties d'écrins de la place Vendôme, pierres précieuses sur velours noir. Précieuses, elles le sont assurément, ces graines (venues pour beaucoup du Muséum d'histoire naturelle), à l'heure où les brevets les confisquent, où des manipulations génétiques les rendent stériles à la génération suivante. À l'heure aussi où les événements d'Ukraine, les destructions et sordides trafics de céréales rappellent ce que l'humanité doit à ces minuscules sources de vie, que les héros de l'Institut Vavilov, pionnier des banques de graines, refusèrent de sacrifier en pleine famine du siège de Léningrad...
À lire : Histoires de graines, photographies de Thierry Ardouin, textes de Marion Chartier, Charlotte Fauve, Gilles Clément, Serge Bahuchet, José-Manuel Gonçalvès. Atelier EXB, 2022, 336 p., 45 €.
À voir : « Graines, l'exposition ! » au Centquatre jusqu'au 4 septembre, qui met en scène 80 tirages et un jardin caché...