Le Quotidien de l'Art

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Les musées, grands acteurs de la vogue de l’égyptologie

Les musées, grands acteurs de la vogue de l’égyptologie
Vue de l'exposition « Pharaons Superstars » au Mucem, à Marseille, jusqu'au 17 octobre 2022.
©Jeanchristophe Lett.

À l’occasion du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion, plusieurs grandes institutions présentent des expositions sur l’Égypte ancienne. Loin de se contenter d’être les reflets d’une passion très française, ils entretiennent la flamme.

L’égyptophilie, plus vivace que jamais ? Les musées sont un excellent thermomètre qui permet d’attester de la fascination qui s'exerce encore en France. L'exposition « Pharaon, Osiris et la momie » qui s'est tenue au musée Granet d'Aix-en-Provence de septembre 2020 à septembre 2021, avait tout de même attiré 110 000 visiteurs, malgré sept mois de fermeture due à la pandémie de Covid. Cette année, plusieurs grandes institutions ont décidé de commémorer l’anniversaire du bicentenaire du déchiffrement des hiéroglyphes par Champollion. Le Louvre avec « Pharaons des deux terres. L’épopée africaine des rois de Napata », le Louvre-Lens avec « Champollion, la voie des hiéroglyphes », la Bibliothèque nationale de France – dont le fonds d’archives n’avait jamais été dépouillé – avec « L’Aventure Champollion, dans le secret des hiéroglyphes » et enfin le Mucem avec « Pharaons superstars ». Un mouvement qui se prolongera au printemps 2023 avec l’expérience immersive « Ramsès, l’or des pharaons » qui fera une halte à la Grande Halle de Villette, laquelle avait lancé le mouvement en 2019 avec « Toutânkhamon, le trésor du pharaon ». Une exposition qui avait attiré près d’un million et demi de visiteurs entre mars et septembre, surpassant le record jusque-là détenu par l’exposition « Toutânkhamon et son temps », présentée en 1967 au Petit Palais sous la houlette de l’égyptologue Christiane Desroche-Noblecourt, cheffe du département des antiquités égyptiennes au Louvre.

On a pour habitude de faire remonter le goût de la France pour l’Égypte ancienne à l’expédition militaire de Bonaparte au XVIIIe siècle, ainsi que le rappelle Guillemette Andreu-Lanoë, commissaire associée de l’exposition « Pharaons superstars » et directrice honoraire des antiquités égyptiennes au Louvre : « En 1798, le général Bonaparte avait eu l’idée judicieuse d’emmener avec sa troupe une commission de savants et plusieurs dessinateurs auxquels il avait confié la mission d’inventorier la faune, la flore, les us et coutumes, ainsi que les antiquités en Égypte. C’est ainsi que ce pays dont s’étaient entiché Napoléon et son épouse Joséphine est devenu à la mode. » Un attrait conforté par la contribution de la France au domaine de l’égyptologie qui doit beaucoup à une figure comme Champollion, par ailleurs premier conservateur du musée égyptien du Louvre, mais aussi à l’aventurier Auguste Mariette, auteur de la première grande découverte archéologique en Égypte au XIXe siècle. 

Il n’empêche que la flamme se serait sans doute éteinte si les musées ne s’étaient pas engouffrés dans la brèche en proposant des expositions qui, loin de se contenter d’être les reflets de cette passion française, l’entretiennent et la relancent – avec des résultats financiers alléchants. « Le musée est un lieu essentiel qui permet la rencontre avec les œuvres. Une rencontre immédiate et même intime. Il a un rôle de vulgarisation du savoir accumulé, mais l’émotion n’est pas du tout la même qu’avec un livre. Voir un papyrus qui a 4000 ans, que les Égyptiens ont touché, participe de cette fascination », assure la conservatrice Hélène Bouillon, cheffe du service des expositions et des éditions du Louvre Lens. Une émotion qui alimente le succès d’expositions qui s’appuient sur l’attrait naturel pour les antiquités égyptiennes. « Tout est image dans l’Égypte ancienne, même les hiéroglyphes qui prennent la forme de codes graphiques très séduisants », relève Guillemette Andreu-Lanoë, pour qui « le succès des expositions égyptiennes tient au fait qu’elles peuvent se visiter en famille ». À l’en croire, « c’est un peu notre âme d’enfant qui continue d’être émue devant ces antiquités très colorées, ces sarcophages chatoyants, cet univers composé d’animaux et d’êtres hybrides. Les plus jeunes sont d’ailleurs fascinés alors qu’ils passent souvent à toute vitesse devant les sculptures grecques considérées comme le bel art ». 

Reste que pour maintenir en alerte la curiosité des visiteurs, il peut être utile de sortir des sentiers battus en explorant des pans méconnus de l’histoire ancienne, à la manière du Louvre qui revient sur la dynastie des rois de Napata, souverains du royaume koushite, fondé au VIIIe siècle avant Jésus-Christ. Même stratégie du côté du Mucem qui a choisi de réhabiliter des figures de l’ombre – Sésotris, Nectanébo, Téti… – sans se priver d’évoquer celles qui sont au contraire devenues des icônes de la culture populaire : « De nombreuses productions du XXe siècle que nous avons dans notre fonds portent les noms de Cléopâtre, Khéops, etc. », souligne Guillemette Andreu-Lanoë. Pour remettre l’égyptologie au goût du jour, « Ramsès, l’or des pharaons », à la Villette, mise quant à elle sur une technologie de pointe qui permettra d’offrir une expérience immersive. De quoi mettre le public en appétit.

Vue de l'exposition « Toutankhamon, le Trésor du Pharaon » à la Villette, Paris, 2019.
Vue de l'exposition « Toutankhamon, le Trésor du Pharaon » à la Villette, Paris, 2019.
© Nicolas Krief.
Triade d’Osorkon.
Paris, Musée du Louvre,
Département des Antiquités
égyptiennes.
Exposition « Pharaon des deux terres, l'épopée africaine des rois de Napata », jusqu'au 25 juillet 2022 au Louvre.
Triade d’Osorkon.
Paris, Musée du Louvre,
Département des Antiquités
égyptiennes.
Exposition « Pharaon des deux terres, l'épopée africaine des rois de Napata », jusqu'au 25 juillet 2022 au Louvre.
© Musée du Louvre, dist. RMN-Grand Palais / Christian Décamps.
Copies de sept scupltures des cinq pharaons (Taharqa, Tanouétamani,
Senkamanisken, Anlamaniet
et Aspelta) .
Exposition « Pharaon des deux terres, l'épopée africaine des rois de Napata », jusqu'au 25 juillet 2022 au Louvre.
Copies de sept scupltures des cinq pharaons (Taharqa, Tanouétamani,
Senkamanisken, Anlamaniet
et Aspelta) .
Exposition « Pharaon des deux terres, l'épopée africaine des rois de Napata », jusqu'au 25 juillet 2022 au Louvre.
© Louvre 2022/© TrigonArt Ingenieurbüro / Pawel Wolf..
Bloc de paroi,  biographie de Tchéti, 2339 2292 avant J. C.
Exposition « Champollion, la voie des hiéroglyphes » au Louvre-Lens du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023.
Bloc de paroi, biographie de Tchéti, 2339 2292 avant J. C.
Exposition « Champollion, la voie des hiéroglyphes » au Louvre-Lens du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023.
© 1998 Musée du Louvre/Georges Poncet.
Cercueil de Henen, 2033-1862 ava nt J. C.
Exposition « Champollion, la voie des hiéroglyphes » au Louvre-Lens du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023.
Cercueil de Henen, 2033-1862 ava nt J. C.
Exposition « Champollion, la voie des hiéroglyphes » au Louvre-Lens du 28 septembre 2022 au 16 janvier 2023.
© 2007 Musée du Louvre / Georges Poncet..
Vue de l'exposition « Toutankhamon, le Trésor du Pharaon » à la Villette, Paris, 2019.
Vue de l'exposition « Toutankhamon, le Trésor du Pharaon » à la Villette, Paris, 2019.
© Nicolas Krief.
Hélène Bouillon, conservatrice du patrimoine, cheffe du service des expositions et des éditions du Louvre-Lens.
Hélène Bouillon, conservatrice du patrimoine, cheffe du service des expositions et des éditions du Louvre-Lens.
© JC Moschetti.

Article issu de l'édition N°2428