Dès son inauguration, le 18 juin, la manifestation, dont le commissariat est assuré par le collectif d'artistes indonésiens Ruangrupa, avait déjà fait couler de l'encre. Et d’autant plus après le 20 juin, lorsqu’a été dévoilée People’s Justice. Réalisée en 2002 par le collectif également indonésien Taring Padi – dont certains membres avaient lutté contre la dictature militaire de Suharto – l’œuvre de 18 mètres de long présente une centaine de personnages qui caricaturent le capitalisme, le colonialisme et la dictature, dont l'un « déclenche des lectures antisémites », affirmaient les organisateurs de la documenta dans un communiqué de presse publié dans la foulée de l’inauguration (lire l’Hebdo du 24 juin 2022). Plusieurs associations juives, l’ambassade d’Israël en Allemagne mais également des représentants non juifs se sont dit très choqués et ont appelé à la faire enlever. La ministre allemande de la Culture, Claudia Roth, déclarait lundi qu'il était « grand temps que cette fresque, qui présente des éléments picturaux antisémites, soit retirée de la documenta » tandis que le chancelier Olaf Scholz annulait sa visite, qualifiant l'œuvre de Taring Padi « d'abominable ». Depuis quelques jours, de nombreuses voix appellent à la démission de la directrice générale, Sabine Schormann, qui a expliqué qu'elle allait examiner l'ensemble des expositions afin de voir si elles ne comportaient pas d'autres « œuvres critiques ». D'abord recouverte de pans de tissus noir, l'œuvre a finalement été démontée le 21 juin et la place donnant sur le Staatstheater de Cassel ne conservait, mercredi, que l’immense structure de métal qui la soutenait. Après les excuses de Taring Padi, Ruangrupa a publié le 23 juin un communiqué : « La vérité, c’est que nous n’avons collectivement pas repéré la figure dans l’œuvre, qui est un personnage évoquant les stéréotypes classiques de l’antisémitisme. Nous reconnaissons que c’est notre erreur (…) Nous nous excusons de la déception, de la honte, de la frustration, du sentiment de trahison et du choc que ce stéréotype a causé aux spectateurs…
Documenta : malgré la polémique, un partage d'expériences fécond
Depuis quelques jours, l’ambiance est électrique à Cassel. Sur la rivière Fulda, cette petite ville universitaire accueille, tous les cinq ans depuis 1955, l’importante manifestation d’art contemporain documenta dont la 15e édition vient de s'ouvrir avec son lot de controverses et le retrait d’une œuvre.