C’est Alfred Pacquement qui a été appelé cette année pour sélectionner 20 artistes de la scène française parmi les galeries invitées en les rapprochant autour d’un thème commun : le monde animal et végétal. « C’est la façon dont les artistes s’emparent de la nature qui m’intéresse, précise-t-il. Et il semble qu’aujourd’hui ce soit le cas intensément. Si la nature leur importe tant, c’est parce que sa mise en danger, les actions pour sa protection, les débats autour de ces questions sont au cœur des préoccupations contemporaines. »
Les ménageries de Gilles Aillaud
On pense en effet aux scènes de ménagerie des tableaux de Gilles Aillaud (Loevenbruck) où les animaux sont tour à tour enfermés puis libérés, à la forêt en reliefs cartonnés d’Eva Jospin (Suzanne Tarasiève), à la mélancolie sensible des dialogues homme-animal d’Edi Dubien (Alain Gutharc), à l’Herbier merveilleux et aux boutons de rose sur feuille d’or d’Othoniel (Perrotin), à la constellation teintée de bleu de Tursic & Mille (Max Hetzler) ou encore à l’art au plus près de la nature de Marinette Cueco (Univer/Colette Colla) qui tisse, tresse, entrelace des végétaux récoltés dans sa campagne corrézienne. « Le plus important, dit-elle, est de scruter la nature, afin d’y voir ce qui est le moins perceptible. Après, tout n’est affaire que de mise en forme. Les gestes les plus simples, les plus primitifs sans autre outil que la main sont très efficaces dans la recherche de formes nouvelles. »
Une société moins verticale
Une nature dans tous ses états que Alice Audouin a choisi d’aborder, par le prisme de l’environnement, à travers une sélection de 17 artistes français et internationaux issus des galeries participantes. « Ces artistes décrivent une société moins verticalisée où l’écologie a sa place. Ce n’est pas un thème de travail pour eux mais bien un rapport au monde. On est au-delà de la sensibilité pour la faune et la flore : ils réinventent le vivre ensemble et défendent des valeurs collectives. En pleine explosion, ce mouvement dans l’art évolue avec son époque », analyse la commissaire d’expositions indépendante fondatrice de l’association Art of Change 21. En dépit d’une diffusion massive depuis les années 2000, il n’existe toujours pas de terme pour décrire cette génération dont les pratiques s’emparent du réchauffement climatique ou de la destruction de la biodiversité. Elle se plaît pour sa part à adhérer au nom choisi par le duo Lucy + Jorge Orta (Marguerite Milin) qui parle d’Impact Art.
Permaculture et recyclage
Parmi eux, on retiendra le langage propre à la Terre de Noémie Goudal (Les Filles du Calvaires), le travail anti-capitaliste, anti-patriarcal et éco-féministe de Suzanne Husky (Alain Gutharc) dont l’engagement artistique se tourne à la fois vers le paysagisme horticole, la permaculture ou l’herboristerie, la récupération de matériaux et le recyclage omniprésents dans l’œuvre de Tadashi Kawamata (kamel mennour), les photographies de Capucine Vever (Eric Mouchet) qui rendent visibles les sources de pollution ou encore la forêt de branches cassées de Vincent Laval (Sono) qui, du haut de ses 30 ans, se revendique « artiste-marcheur-cueilleur ». Quand Lionel Sabatté (8+4) flirte avec la beauté en réhabilitant poussières, rognures d’ongles, peaux mortes dans des sculptures étonnantes, Pistoletto, leader de l’Arte Povera, s’illustre avec Venus of the Rags, installation symbole du Troisième Paradis, son projet participatif qui met l’art au service de l’humanité. « Écoféminisme, post anthropocentrisme, les artistes jouent pleinement leur rôle d’avant-garde et amorcent avec optimisme un avenir où la coopération l’emporte sur la compétition avec des manières plus conviviales de penser et d’être au monde », conclut Alice Audouin.