C’est peut-être pour contredire l’adage « loin des yeux, loin du cœur » que par un beau jour d’amour au XVIIIe siècle, une amante offre à son amant un pendentif minutieusement peint de son œil droit bleu. La monture en or du médaillon épouse la forme de celui-ci, comme pour mieux dire la fusion d’un cœur à un regard et d'un cœur à un autre. Et combien même sa taille miniature devrait nous garder de tomber dans le piège de l’illusion, il est bien difficile de ne pas voir le bijou comme un miroir dans lequel se reflèterait, un peu magiquement, ce Lover’s Eye venu nous toucher depuis un autre temps. C’est que « l’amour rend aveugle », dit encore l'adage. Des mythes de Narcisse, Œdipe, Argus et Méduse à la photographie spectrale et aux autoportraits de Rembrandt, premier grand maître du genre, c’est à un voyage dans et par la vision qu’invite l’exposition « Regards », née d’une collaboration entre Paris Musées, le Groupe hospitalier universitaire (GHU) Paris Psychiatrie et Neurosciences et le groupe d’entraide mutuelle (GEM) Le Passage. Conçue par une quinzaine de soignants et patients de la psychiatrie, accompagnés par un conservateur du patrimoine et la responsable du service des publics de la maison de Victor Hugo, l’exposition réunit 80 œuvres. La paire d’yeux globuleux sans corps, coiffés de deux plumes en guise de sourcil, du photographe surréaliste Pierre Jahan (Portrait d’un ange) répond à l’autoportrait photographique de l’artiste et poète beat Brion Gysin. À la surface du négatif, il a gravé la question « Am I That I Am? » Une autre façon de dire que je vois, donc je suis ?
« Regards », jusqu'au 5 juin, à la Maison de Victor Hugo, maisonsvictorhugo.paris.fr