Rarement une chambrette aura été la muse non pas d'un, mais de deux artistes de générations différentes, séparés par plus d'un siècle. Lorsqu'en 1850 le peintre Alfred de Curzon (1820-1895), alors pensionnaire de la Villa Médicis, pose ses valises dans la chambre turque, alcôve de la tour nord tout droit sortie d'une rêverie orientaliste du peintre Horace Vernet (directeur de l’Académie de France à Rome de 1829 à 1834), son émerveillement est manifeste : outre sa vue panoramique donnant sur le jardin depuis les hauteurs du Pincio, ses murs lambrissés de faïences d'inspiration arabo-andalouse de tons, bleus, blancs, jaunes et verts, sa voûte décorée d’arabesques, son lit à baldaquin et son divan rose en font un refuge hors du temps. Le jeune peintre poitevin immortalise son passage en réalisant Chambre de l’artiste à la Villa Médicis, dite la chambre turque (1850), tableau qui fait aujourd'hui l'objet d'un don de Philip et Cathia Hall – membres fondateurs du Cercle international Afrique (CI-Afrique) du Centre Georges Pompidou – à l'Académie. Il rejoindra son décor original, également immortalisé par un autre artiste qui régna sur la Villa Médicis entre 1961 et 1977 en tant que directeur. Balthus occupa en effet la fameuse chambre en 1965 et y composa sa célèbre toile Chambre turque, où trône Setsuko Ideta, sa seconde épouse. Cette version connaîtra la postérité, éditée sur des timbres en 1982. En 2015, le public avait eu pour la première fois accès au lieu, dans le cadre de la double rétrospective consacrée à Balthus, à la Villa et aux Scuderie del Quirinale.
L'image du jour