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Produits dérivés : les galeries diversifient leur offre

Produits dérivés : les galeries diversifient leur offre
Vue du Perrotin Store à la Samaritaine, 2021.
© Claire Dorn / Courtesy the artists & Perrotin / D.R La Samaritaine ©Kaikai Kiki Co., ltd. All rights reserved.

Du livre à la lampe, les grandes galeries multiplient la vente d'objets réalisés à partir des œuvres de leurs artistes. Un débouché commercial fructueux autant qu'un premier pas vers la collection.

Écharpes, tee-shirts, lampes, assiettes, bijoux, mais aussi multiples et posters en éditions limitées : depuis quelques années, les grandes galeries diversifient leur offre. Hauser & Wirth, Gagosian, Perrotin ou encore Zwirner possèdent aujourd’hui un site dédié entièrement à la vente de produits plus ou moins liés aux œuvres des artistes qu’elles représentent. Ils sont une vitrine virtuelle en même temps qu’une « possibilité d’être accessible dans lieux où nous ne sommes pas présents physiquement. Notre clientèle se trouve majoritairement dans les pays dans lesquels nous sommes déjà établis, mais il ne faut pas oublier que dans chacun, ce n'est que dans une seule ville. Nous avons donc des clients en France qui ne sont pas à Paris, des clients américains qui ne sont pas à New York… Ces derniers peuvent venir une fois tous les six mois physiquement mais commander de façon plus régulière en ligne », indique l'équipe du Perrotin Store, lancé en 2014.

Le boum des « produits dérivés » coïncidence avec l’essor, dans la dernière décennie, à la fois de la vente sur internet et de la marchandisation du concept de « lifestyle ». Là où une œuvre d’art implique un coût élevé et une dimension très précieuse, les produits dérivés s’ancrent dans une logique plus quotidienne, à laquelle la patte artistique ajoute une plus-value. À mi-chemin entre le nécessaire et l’artistique, on peut ainsi acheter sur le site de Hauser & Wirth une couverture en cachemire d'après un dessin de Louise Bourgeois pour 1300 euros ou un set de 6 assiettes en porcelaine de Limoges designé par Eduardo Chillida pour 500 euros. Et sur le site du Perrotin Store, un miroir de poche pour 19 euros et un canapé en forme de savon géant pour 1800 euros signés Toilet Paper, la marque affiliée au magazine lancé par Maurizio Cattelan et Pierpaolo Ferrari en 2010.

Collaborations et partenariats commerciaux

Les produits dérivés vendus dans les boutiques des galeries ne sont pas directement manufacturés par celles-ci, mais pour la plupart le résultat de collaborations entre une galerie, un artiste et une marque – un sac Mansur Gavriel x Hauser & Wirth (180 euros), des boucles d’oreilles Simone Rocha x Hauser Wirth inspirées par l’œuvre de Louise Bourgeois (295 euros), un pull à capuche sur lequel est imprimé Perrotin Highsnobiety, en vente pour 105 euros exclusivement dans cette boutique en ligne spécialisée en marque de luxe… Le magasin en ligne de Thaddaeus Ropac est, lui, géré par la boutique parisienne Ligne Blanche, qui élabore des porcelaines de Limoges en collaboration avec des musées (Guggenheim, Metropolitan Museum...) et des fondations (Keith Haring, Jean-Michel Basquiat, René Magritte…).

Les partenariats commerciaux s’établissent également avec d’autres magasins. À titre d'exemple, Perrotin s’est installée d’octobre à février derniers au sein de l’espace pop-up de La Samaritaine, qui mise sur un échange favorable entre art et marchandise. « En invitant la galerie à présenter côte à côte des œuvres, des livres et des objets de décoration, nous ravivons l’idée que La Samaritaine est un grand magasin autant qu’un lieu de vie et de culture », explique Florine Bruneau, à la tête de l’organisation du pop-up qui a attiré de nouveaux clients peu familiers avec l’art contemporain, mais avant tout « des connaisseurs qui venaient directement via la galerie ». Parmi les acheteurs des boutiques physiques et virtuelles de Perrotin figurent « d’une part, la clientèle qui s’intéresse à tous les aspects d’un travail et collectionnent les œuvres, mais aussi les multiples et livres des artistes que nous représentons ; d’autre part, des amateurs, voire des étudiants, avec des budgets plus modestes, explique-t-on à la galerie. Cette clientèle visite notre galerie comme elle pourrait visiter un musée et n’a donc pas le même rapport à l’œuvre qu’un collectionneur d’art. La librairie est pour cela une bonne porte d’entrée à l’art contemporain ».

Le livre comme œuvre d’art

Ce sont de fait les livres qui constituent le plus grand fond des ventes dans les boutiques des galeries. Leurs départements éditoriaux, créés pour la plupart au cours des dix dernières années, fonctionnent aujourd’hui comme maisons d’édition autant que comme boutiques. David Zwirner Books a été lancée en 2014 et édite annuellement environ 25 livres, vendus dans 110 librairies et boutiques à travers le monde. On y trouve des catalogues et monographies d’artistes représentés par la galerie Zwirner, mais aussi des classiques de l’histoire de l’art pour 12 euros, tels que l’essai Le Salon de 1846 de Baudelaire, Chardin et Rembrandt de Proust, les Lettres à un jeune peintre de Rilke, Oh, to be a painter! de Woolf...

Perrotin a créé son département éditorial en 2019, suivant l’évolution de la clientèle. « Depuis quelques années, nous assistons à un renouveau du marché du multiple et de l’édition d’artistes, avec des collectionneurs de multiples », précise la libraire de la boutique Perrotin dans le Marais, qui accueille en moyenne 300 visiteurs le samedi. Un marché particulièrement présent en France : « La segmentation des ventes reste assez homogène à l’échelle globale, avec bien sûr des spécificités liées aux différentes villes. La France a toutefois un attachement historique au livre, c’est donc naturel que ceux-ci constituent la majorité des volumes de vente à Paris ». Après Perrotin, l’espace pop-up de La Samaritaine est actuellement investi par les éditions Assouline, qui y présentent notamment leur collection Ultimate. Le prix des ouvrages, que l’on feuillette avec des gants blancs uniquement, démarre à 820 euros.

Couverture en cachemire d'après un dessin de Louise Bourgeois, 1 300 euros.
Couverture en cachemire d'après un dessin de Louise Bourgeois, 1 300 euros.
Capture d'écran shop-eu.hauserwirth.com.
Set de six assiettes en porcelaine de Limoges designé par Eduardo Chillida, 500 euros.
Set de six assiettes en porcelaine de Limoges designé par Eduardo Chillida, 500 euros.
Capture d'écran shop-eu.hauserwirth.com.
Sac Mansur Gavriel x Hauser & Wirth, 180 euros.
Sac Mansur Gavriel x Hauser & Wirth, 180 euros.
Capture d'écran shop-eu.hauserwirth.com.
Jean-Michel Basquiat "Trumpet" , assiette en porcelaine,90 euros.
Jean-Michel Basquiat "Trumpet" , assiette en porcelaine,90 euros.
Capture d'écran ropac.net.
"The Salon of 1846" par Charles Baudelaire.
"The Salon of 1846" par Charles Baudelaire.
Capture d'écran davidzwirnerbooks.com.
Vue du Perrotin Store, Paris.
Vue du Perrotin Store, Paris.
©Tanguy Beurdeley/Courtesy the artists & Perrotin.
Un aperçu de l'offre de Ropac.
Un aperçu de l'offre de Ropac.
Capture d'écran ropac.net.
Pop up exclusif Assouline à la Samaritaine, jusqu’au 8 mai 2022.
Pop up exclusif Assouline à la Samaritaine, jusqu’au 8 mai 2022.
©Simon Detraz/Assouline.
Un aperçu de l'offre de David Zwirner Books.
Un aperçu de l'offre de David Zwirner Books.
Capture d'écran davidzwirnerbooks.com.
Pop up exclusif Assouline à la Samaritaine, jusqu’au 8 mai 2022.
Pop up exclusif Assouline à la Samaritaine, jusqu’au 8 mai 2022.
©Simon Detraz/Assouline.

Article issu de l'édition N°2345