Le 18 mars, la cour de New York devra statuer sur le sort d’Inigo Philbrick, un marchand coupable d’une des grosses arnaques de ces dix dernières années. Entre 2016 et 2019, le jeune loup londonien a vendu des œuvres dont il ne détenait pas la pleine propriété à plusieurs personnes simultanément, et a produit de faux documents pour gonfler leurs prix. Il avait également mis en caution des tableaux appartenant à des tiers, obtenant ainsi des prêts bancaires pour lui-même. Parmi ceux qu’il a escroqués, un couple d’investisseurs allemands, les deux frères Reuben, milliardaires classés troisième fortune du Royaume-Uni par le magazine Forbes en 2017, un établissement financier proposant des prêts en échange d’œuvres d’art, un financier jet-setteur et… l’Arabie saoudite. Lorsqu’en novembre dernier le juge Stein l’a interrogé sur ses motivations, Inigo Philbrick l’a reconnu sans détours : « Je l’ai fait pour l’argent, votre honneur ».
L’affaire est devenue le symptôme des dérives d’un marché de l’art qui, à tous les niveaux, manque cruellement de régulation. Partenaires floués, collectionneurs abusés, artistes impayés, acheteurs cumulant les ardoises... Les mauvaises pratiques ne se comptent plus. En janvier dernier, un procès opposant le collectionneur et fondateur du X Museum (Pékin) Michael Xufu Huang à un autre collectionneur, Federico Castro Debernardi, mettait en lumière les écueils de ce système. Le collectionneur chinois demandait 1,3 million de dollars à l'Argentin pour « préjudice de réputation » après que ce dernier eut vendu à la galerie Lévy Gorvy une œuvre que Michael Xufu Huang avait achetée en son nom. Michael Xufu Huang prétextait en effet acheter des œuvres pour son musée, alors qu'il les transférait à Federico Castro Debernardi avec une majoration de 10 %. Viennent s'y ajouter depuis peu les dérives liées au marché des NFT, qui pourrait favoriser le blanchiment d'argent, selon une étude du Trésor américain.
Les relations artistes-marchands tournent ainsi parfois au vinaigre. Pour Georges-Philippe Vallois, président d’honneur du Comité professionnel des galeries d’art, « il n’y a pas de méchant galeriste et de gentil artiste, le plus puissant des deux peut se conduire sans ménagement avec l’autre ». On a ainsi vu certains artistes quitter les galeries qui les avaient lancés pour de plus gros marchands juste avant une foire... Mais, admet-il, « les galeries sont parfois de mauvaises gestionnaires ». À son initiative, le code de déontologie des galeries créé en 1990 a été réédité et enrichi en 2016, pour cadrer notamment les conditions de la rémunération de l’artiste et de la répartition du produit de vente, les relations avec les acheteurs et celles entre confrères. Mais…