Anecdotique hier, il fascine autant qu'il questionne aujourd'hui. Réalisé par un artiste anonyme en Angleterre aux alentours de 1650, ce double portrait sans titre dépeint une femme noire et une femme blanche assises côte à côte, le visage paré de mouches, petits ornements de soie ou de velours de formes variées, alors en vogue. Leurs vêtements et postures signalent leur égalité de statut, révélant un mode de représentation extrêmement rare à une époque où les personnes non blanches, peu présentes dans les tableaux occidentaux, sont uniquement évoquées dans des positions de servitude. L'huile sur toile de 64 x 75 cm, dont les historiens ne savent que peu de choses, hormis son statut allégorique – une inscription en haut du tableau porte un jugement sévère de son auteur, fustigeant la vanité de celles qui s'affublent de ces « beauty patches » – risque aujourd'hui de quitter le Royaume-Uni, après avoir longtemps appartenu au baron Lloyd Tyrell-Kenyon, décédé en 2019. Elle a été adjugée le 23 juin 2021 chez Trevanion pour 220 000 livres (263 720 euros) à un collectionneur britannique anonyme, alors qu'elle avait été estimée au prix dérisoire de 4000 livres (4 800 euros). Le ministère de la Culture britannique (DCMS) a annoncé fin décembre son interdiction temporaire de sortie du territoire, signalant l'importance socio-historique de l'œuvre au regard de l'étude des questions de race et de genre dans l'histoire de l'art. Cet travel ban est en place jusqu'au 9 mars 2022 – et pourra, le cas échéant, être prolongé de 3 mois – dans l'espoir qu'un financement puisse lui permettre de rester en Grande-Bretagne.
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