L’appel à propositions lancé pour l’occupation du Grand Palais Éphémère et du Grand Palais des Champs-Élysées par la RMN-Grand Palais dirigé par Chris Dercon a pris l’ensemble des acteurs culturels français de cours.
L’appel est précédé d’un rappel de la mission de l’EPIC, dont l’un des enjeux est le « rayonnement de la France » et laisse apparaître parmi les critères de sélection « des liens renforcés avec l’écosystème culturel parisien ». Qu’en est-il ?
Annoncé le 8 et clos le 31 décembre, en pleine période de fêtes, celui-ci n’a été précédé d’aucune phase de concertation avec les principaux syndicats représentant galeristes, artistes ou autres acteur privés visant à internationaliser la scène française, afin d’en enrichir le contenu ou d’en baliser les contours.
Rappelons ici que RMN-Grand Palais est un établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Culture et que l’État occupe ou nomme 12 des 18 personnalités du conseil d’administration ; il est donc de facto associé aux décisions prises.
Depuis leur création en 1974 pour la FIAC, en 1997 pour Paris Photo, ces foires sont restées positionnées peu ou prou parmi les plus importants évènements internationaux et incontestablement parmi les rendez-vous annuels majeurs des galeries en France. Si ces dernières ne représentent qu’entre 20 et 25 % des exposants, une étude commandée en 2016 par le CPGA à l’économiste Nathalie Moureau a mis en évidence l’effet d’aubaine pour l’ensemble des galeries parisiennes.
Ainsi, une grande foire parisienne, quel qu’en soit l’organisateur, constitue incontestablement l’un des leviers économiques majeurs de la scène artistique et commerciale française
La naissance des foires d’art se conjugue avec une volonté des galeries ; la première a été créée en 1967 par Rudolf Zwirner à Cologne, la seconde en 1970 à Bâle par Ernst Beyeler, Trudi Bruckner et Balz Hilt, la troisième, la FIAC en 1974 est fondée par Daniel Gervis (futur vice-président du CPGA) et l’OIP.
Initiées par et pour les galeries, ces dernières voient cependant leur influence décroître progressivement au bénéfice de sociétés nationales puis internationales dorénavant seuls maîtres de l’organisation de ces manifestations.
Chaque année ressurgit, de fait, le débat quant au pourcentage de galeries françaises acceptées, d’artistes de la scène française exposés. La place de nos galeries et de nos artistes, notoirement sous-exposés dans nos institutions parisiennes et insuffisamment présents sur le marché, est un enjeu majeur. En effet, la part prise par la financiarisation croissante du marché de l’art nuit à la diversité artistique exceptionnelle et le suivi à long terme, défendus par nos représentants et qui doivent être préservés à l’image, par exemple, du cinéma français.
Les ministres successifs, le président de la République lui-même, ont rappelé à plusieurs reprises le rôle majeur des galeries dans l’écosystème culturel et commercial hexagonal. De nombreuses discussions ont porté depuis des années sur la nécessaire concertation entre les différents partenaires en vue d’une coordination positive. Celles-ci n’ont malheureusement pas été suivies de mesures concrètes.
Nous avons notamment suggéré à plusieurs reprises que le CPGA puisse intervenir dans le choix de l’organisateur, participe aux réflexions préalables comme cela se fait dans la plupart des secteurs économiques.
La crise actuelle a durement frappé les galeries et les artistes. Le président de la République a rappelé à plusieurs reprises combien la préservation et la promotion de la culture représentaient un enjeu majeur pour notre pays, or c’est précisément la démonstration inverse qui vient d’être apportée.
« Des liens renforcés avec l’écosystème parisien » (tels que mentionnés dans l’appel d’offres) ne peuvent s’opérer en effet que si celui-ci représente un poids décisionnel réel. L’attitude de la direction du Grand Palais et du ministère de la Culture portent ici atteinte à la crédibilité des galeries françaises en les tenant à l’écart du processus en cours. En effet, contrairement à d’autres pays, c’est en France l’État qui attribue la concession qui contribue grandement à la dimension internationale de l’événement.
Cela témoigne une fois de plus de l’absence de considération pour notre profession, de l’incapacité de mesurer l’importance de la prospérité des galeries indissociable de celle des artistes.
Nous ne connaissons pas la nature des projets qui vont être proposés, pas davantage que leurs auteurs, et cela impose de ne pas se prononcer pour ou contre les futures alternatives proposées.
Il est clair cependant qu’un changement potentiel non préparé entrainerait pour les raisons évoquées plus haut une mise en danger d’un certain nombre d’acteurs dont notre scène artistique, déjà fragilisée par la crise, dépend. Il nous paraît dès lors inadmissible que notre profession, fondatrice de ce type d’événement qui a depuis essaimé à travers le monde, n’ait pas été consultée sur un sujet dont une grande partie de son « rayonnement international » dépend.
La FIAC a été créée par des galeries françaises, elle est devenue progressivement une foire internationale majeure mais est parvenue à conserver une identité liée à la connaissance du tissu français de ses directeurs et directrices successifs. Quel que soit le candidat qui sera choisi, il importe que la singularité et la richesse de notre scène artistique soient préservées.