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Le patrimoine, voie royale pour l’insertion professionnelle

Le patrimoine, voie royale pour l’insertion professionnelle
Pâquerette Demotes-Mainard, directrice générale de Acta Vista.
Courtesy Acta Vista.

Les discours politiques sont à l’unisson : l’emploi est un enjeu majeur du patrimoine en cette période de crise. Les clauses d’insertion professionnelle se multiplient dans les appels d’offres des chantiers de restauration. Pourquoi un tel engouement ? Et pour quel résultat ?

Le phénomène n’est pas nouveau. L’association de promotion de l’insertion sur les chantiers patrimoniaux Acta Vista s’apprête à fêter ses 20 ans. « Au lancement, il a fallu montrer patte blanche et prouver que nos équipes étaient capables de restaurer dans les règles de l’art, se souvient Pâquerette Demotes-Mainard, sa directrice générale. Depuis l’incendie de Notre-Dame et le besoin de relance économique de notre pays, on comprend que la restauration peut être une opportunité pour former et générer de l’emploi. » D’une équipe d’une douzaine de personnes, l’association recense désormais 500 salariés par an sur ses chantiers. L’intérêt pour ces actions en faveur des demandeurs d’emploi longue durée, des jeunes sans qualification ou des personnes éligibles aux minima sociaux irrigue toute la chaîne, du politique au mécène. « La législation des marchés publics évolue en faveur de l’insertion depuis très peu de temps », témoigne Maxence Dupont, à la tête du Programme Patrimoine Emploi initié en 2011 à la Fondation du Patrimoine. Et sa directrice générale, Célia Vérot d’ajouter : « Les clauses d’insertion sur les chantiers correspondant à des quotas d’heure réservés à des personnes éloignées de l’emploi permettent de toucher des mécènes qui, de leur soutien au patrimoine, ont progressivement aiguisé leur appréciation de l’impact social : Total, SMABTP, ou encore la FDJ. Le critère social est devenu décisif et nous a incités à renforcer l’impact de nos projets. »

À Versailles, le château est engagé de longue date dans l’insertion avec l’organisation depuis 2016 de la Job Academy, programme d’accompagnement par parrainage des agents du château pour le retour à l’emploi, initié par l’association FACE Yvelines. Il a touché une soixantaine de demandeurs d’emploi dont 70 % ont retrouvé un travail dans les six mois. Au Bosquet de la Reine, une apprentie du chantier de restauration est devenue cheffe de chantier grâce au concours du Crédit Agricole. « Certes le chiffre est dérisoire face aux besoins, reconnaît Catherine Pégard, présidente du château. Mais on participe à notre mesure, en même temps que l’on valorise les savoir-faire de nos agents dont les métiers ont parfois perdu de leur attrait. C’est d’ailleurs l’objectif du Campus d’excellence des métiers que nous venons d’inaugurer en octobre : préserver les métiers d’hier pour l’emploi de demain. » Un mécène ne s’y est pas trompé et offre une enveloppe décisive de 2,7 millions d’euros : la Fondation Bettencourt. « Depuis quelques années, les savoir-faire patrimoniaux ne sont plus enfermés dans la dimension transmissive de l’art pour l’art, mais démontrent leur contemporanéité et leur rôle dans les enjeux du moment, estime Olivier Brault, à la tête de la fondation, moteur de la promotion des métiers d’art en France. Face à des secteurs en tension et des jeunes qui ne trouvent pas leur chemin, la formation aux savoir-faire prestigieux doit se transformer pour répondre aux besoins des entreprises. Or, l’excellence de Versailles est un merveilleux levier pour donner envie et réussir une insertion. »

Traverser le patrimoine

« Vecteur de confiance et de fierté, le monument se prête à une formation par le geste, adaptée à un public qui n’a pas les prérequis théoriques », explique Pâquerette Demotes-Mainard. Avec un faible bagage technique, les personnes en insertion sont orientées vers des activités simples de peinture, nettoyage, maçonnerie ou déblaiement, à l'exception des chantiers d'Acta Vista qui propose l'intégralité des tâches, et ouvrent à des formations qualifiantes de niveau 3 reconnues par le ministère du Travail. Car telle est la question : quel est le bilan de toutes ces actions ? L’insertion par le patrimoine y conduit-elle définitivement ? Loin de là. « Le but est d’être un sas de réinsertion, pas de grossir les rangs du patrimoine, prévient Maxence Dupont, dont la récente étude d’impact a démontré qu’en 2019 un millier d’emplois en insertion ont été soutenus. Malgré les difficultés à suivre ces personnes très volatiles, Acta Vista estime que les deux tiers retrouvent le chemin de l’emploi ou d’une formation complémentaire, dont la moitié dans le BTP et quelques-uns dans le patrimoine. » Si les monuments démontrent peu à peu leur utilité en la matière, la sensibilisation reste encore à faire pour accroître le mouvement et susciter plus de candidatures dans un champ qui, selon Pâquerette Demotes-Mainard, « suscite l'appréhension ».

Travaux de maçonnerie sur un chantier d'insertion Acta Vista au domaine de Chambord.
Travaux de maçonnerie sur un chantier d'insertion Acta Vista au domaine de Chambord.


© Acta Vista.

Olivier Brault, directeur général de la Fondation Bettencourt Schueller.
Olivier Brault, directeur général de la Fondation Bettencourt Schueller.
© Augustin Détienne/CapaPictures.
Le Campus Versailles, gastronomie.
Le Campus Versailles, gastronomie.
© CYU.
Le Campus Versailles, horticulture.
Le Campus Versailles, horticulture.
© Thomas Garnier.
Catherine Pégard, présidente du château de Versailles.
Catherine Pégard, présidente du château de Versailles.
© château de Versailles/Thomas Garnier.

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