« Mon art doit être politique mais n’a pas besoin d’être politique. La question est d’intégrer, pas de séparer », affirmait Jimmie Durham en 1994, l’année où il s’installait avec sa compagne, l’artiste et activiste brésilienne Maria Thereza Alves, entre Naples et Berlin, ville où il est mort le 17 novembre à 81 ans. Ayant grandi dans l’Arkansas rural, il sort diplômé de l’école d’art de Genève avant de retourner aux États-Unis en 1973 pour militer dans le mouvement pour les droits des peuples autochtones, qu’il quittera en 1979, critiquant ses responsables. Son travail est associé à la « critique institutionnelle », à l’image de la présentation sur vitrine d’objets supposément empruntés à des musées, comme des sous-vêtements commerciaux de Pocahontas. Les projections fantasmées sur les peuples autochtones les affectent et les transforment-ils ? « Est-ce que ce qu’on connaît a de l’importance? », interrogeait Jimmie Durham dans son essai Un certain manque de cohérence. Devenu en quelque sorte un porte-parole artistique du peuple Cherokee – une appartenance non reconnue par ses représentants –, il est invité à l’historique biennale du Whitney de 1993, au centre d’un vif débat sur les questions identitaires : il doit alors déclarer ne pas être Cherokee, pour se conformer à la loi qui contrôle la désignation des peuples autochtones. Si son art se jouait et défiait les stéréotypes associés aux natifs américains, Jimmie Durham l’a progressivement transformé en un questionnement sur les notions d’authenticité, de monument, de centre et de périphérie. En 2019 il recevait le Lion d’or pour l’ensemble de sa carrière à la biennale de Venise, tandis que son travail sera présenté à la prochaine Documenta de Kassel en 2022.