Longtemps, le monde de l’art s’est tenu à l’écart de l’écologie : ce n’est que depuis les années 2000 que des réflexions sur la logique écologique – de la conservation-restauration notamment – ont commencé à émerger. Les grandes organisations internationales s’emparent alors du sujet : en 2010, l’Unesco signe une convention sur le patrimoine et le développement durable et deux ans plus tard, en 2012, l’ICOM met en place une journée de réflexion pour penser l’établissement de normes respectueuses de l’environnement dans les musées. La même année en France, le Salon du Patrimoine organise aussi des conversations sur cette thématique. Les projets se développent mais restent locaux et les initiatives innovantes sont finalement peu diffusées.
Depuis, les rapports du Giec sur le climat et l’engagement de nombreux artistes sur ces questions ont donné la possibilité aux acteurs et actrices du milieu de prendre la mesure de l’urgence. Le musée du Louvre et le Palais de Tokyo se sont dotés d’un référent environnement tandis que le Centre Pompidou a mis sur pied un groupe de travail pour œuvrer au remploi de matériaux dont le musée n’a plus usage. La question de la durabilité est au cœur des expositions temporaires : comment éviter de générer des déchets à l’issue d’une exposition ? Comment empêcher une empreinte carbone trop élevée en raison des transports d’œuvres ? Si les musées et institutions culturelles utilisent de plus en plus, en amont des expositions, des matériaux recyclables qu’ils stockent par la suite, l’association La Réserve des Arts propose depuis une dizaine d’années de collecter et trier leurs rebuts. Par ailleurs, les préoccupations écologiques ont quitté les seules coulisses logistiques des musées pour imprégner leur ligne éditoriale. Mais comment différencier le réel engagement de l'aubaine médiatique, voire du green-washing ? Comment prendre de telles initiatives au sérieux quand Total reste un grand mécène des institutions culturelles ou que des musées comme le Louvre s’associent à des marques de prêt-à-porter ultra polluantes ?
Côté marché de l’art, la prise de conscience écologique est encore plus lente. Art Paris et Christie’s se sont chacun engagés dans des programmes de neutralité carbone. Mais si la crise sanitaire a éveillé les esprits, les foires semblent bel et bien avoir repris le rythme pré-pandémie avec leurs lots d’allers-retours en avion. Certaines, plus régionales, génèrent cependant moins de déchets et ont un bilan carbone moins conséquent. C’est le cas de Galeristes (annulée cette année, ndlr) qui depuis ses débuts réutilise la même scénographie de Dominique Perrault – un modèle certes plus vertueux, mais également plus coûteux d’environ 15 % par rapport aux cimaises traditionnelles. Fanny Legros, ex-directrice de la galerie Jérôme Poggi, a imaginé la plateforme web Plinth où sont proposés des matériaux et objets dont musées et galeries n’ont plus l’utilité. Les déchets des uns ne sont-ils pas les ressources d’autres ?