« Je suis donc tombée amoureuse d'une couleur – la couleur bleue, en l'occurrence – comme on tombe dans les rets d'un sortilège, et je me suis battue pour rester sous son influence et m'en libérer, alternativement. » Si Maggie Nelson n'évoque pas Geneviève Asse dans son ouvrage Bleuets, nombreux sont les passages qui semblent y faire référence. Elle y parle de son amour pour la couleur bleue, ses variations et vibrations, de la joie qu'elle lui procure et de la profonde tristesse qu'elle contient. Les bleus des œuvres de Geneviève Asse se sont quant à eux teintés de mélancolie à l'annonce de son décès, le 11 août dernier. Décédée à l'âge de 98 ans, la peintre et graveuse avait décidé de s'y consacrer pleinement dès les années 1980 après une carrière de plasticienne déjà bien avancée. Née à Vannes en 1923, Geneviève Asse passe une partie de sa petite enfance dans le golfe du Morbihan sur la presqu'île de Rhuys. Avec sa mère et son frère jumeau Michel, elle s'installe à Paris en 1932 où elle étudie notamment à l'École nationale des arts décoratifs. En 1944, elle s'engage dans la Résistance avec son frère puis, grâce à son permis poids lourds, devient ambulancière. Elle participe au rapatriement de Juifs déportés dans les camps. N'appartenant à aucun courant abstrait ou figuratif, sa première exposition personnelle a lieu en 1954 dans la galerie parisienne Michel Warren. À l'époque, elle n'a pas complètement délaissé les formes strictement identifiables mais les années passant, Geneviève Asse s'approche de plus en plus du dénuement et de ce bleu auquel elle se consacre les quarante dernières années de sa vie. Amie de Samuel Beckett et compagne de Silvia Baron Supervielle, Geneviève Asse aimait à se retirer dans sa maison de l'île aux Moines où elle possédait aussi un atelier – en plus de son studio parisien. Si sa reconnaissance fut un peu tardive, on peut voir ses travaux dans quelques institutions telles que le Centre Pompidou qui montrait d'ailleurs son œuvre au sein de l'exposition « Elles font l'abstraction ». Geneviève Asse gravait également, considérant ses lithographies comme une forme d'écriture. La critique d'art Élisabeth Lebovici le rappelait en 2002 à l'occasion d'une exposition à la BNF : son travail de gravure arrive souvent « en contrepoint des poètes : Ponge, Lecuire, Frénaud, Bonnefoy, André du Bouchet ». On luit doit aussi les vitraux de la collégiale de Lamballe. Geneviève Asse laisse une œuvre qui n'est ni lisse, ni monochrome, où les tons que l'on admirait dans l'iris de ses yeux continuent de vibrer.