Depuis des mois le monde des arts vit au rythme des nominations. Après les grandes manœuvres autour de la présidence du Louvre et du Centre Pompidou, où ont été nommés respectivement Laurence des Cars et Laurent Le Bon, leur succession à Orsay et au musée Picasso-Paris est ouverte. Il en va de même à la tête du musée national d’art moderne (MNAM), pour remplacer Bernard Blistène. Sans oublier Versailles, où l’actuelle présidente Catherine Pégard effectue un intérim – qui aurait dû se terminer en avril dernier – après dix ans d’exercice. Il est donc temps de choisir. Pour Orsay, les candidats sont de qualité, notamment Sylvie Patry, qui y est directrice de la conservation et des collections, Olivier Gabet, directeur du musée des Arts décoratifs, et Christophe Leribault, directeur du Petit Palais. À Versailles, Camille Pascal, conseiller du Premier ministre Jean Castex, a annoncé son intérêt pour le poste sans candidature officielle et sans convaincre le monde de l’art qui croit davantage à celle, encore hypothétique, de Jean d'Haussonville, patron de Chambord. Aucun ne souhaite s’exprimer à ce sujet, « conformément au devoir de réserve ». Quant à Cécile Debray, directrice du musée de l'Orangerie, elle est donnée favorite pour la succession de Bernard Blistène.
Illusion de transparence
Mais selon quelles règles seront-ils départagés ? Alors que la rue de Valois est supposée avoir la main sur le sujet, à chaque nomination, la patte de l’exécutif se fait sentir. Nicolas Sarkozy avait ainsi cherché à imposer son conseiller en culture Georges-Marc Benamou à la Villa Médicis, à Rome. Olivier Py, au théâtre de l’Odéon, fut invité à faire place nette au metteur en scène Luc Bondy, avant d’hériter du Festival d’Avignon comme lot de consolation. Au point que la Revue du Crieur avait titré une enquête publiée en 2016 « Le pouvoir de nommer comme seule politique ». Fin observateur de la vie culturelle et candidat malheureux en 2015 à l’École des Beaux-Arts de Paris, Stéphane Corréard le dit sans détour : « Les processus de nomination sont organisés en toute hypocrisie, de manière à permettre en réalité le choix le plus arbitraire possible. Chaque étape est entachée d’anomalies. Certains choix sont précédés d’un appel à candidatures public, d’autres non. Des personnalités sont incitées à candidater, mais en général elles ne servent que de leurres. Puis les autorités font fuiter dans la presse le nom de certains candidats, mais généralement pas celui de "leur" favori, qui est ainsi protégé. »
Même lorsque les procédures donnent une illusion de transparence, les dés sont souvent pipés et les instances dirigeantes ont toujours la possibilité d’avancer leurs jokers. En 2013, pour la première fois dans l’histoire du…