Cinq ans. Tel était le délai donné par le président de la République, Emmanuel Macron, les Jeux olympiques en ligne de mire, pour reconstruire la cathédrale ravagée le 15 avril 2019 par un incendie. Deux ans se sont écoulés, soit presque la moitié du délai imparti. Où en est le chantier et a-t-il les moyens de tenir ses promessgres ? La question déchire. Le 10 février, Emmanuel Grégoire, premier adjoint de la mairie de Paris, affirmait devant l’Assemblée nationale que le chantier ne serait jamais livré avant 2025. Un mois plus tard, Philippe Villeneuve, architecte en chef de l’édifice, lui répondait en imposant sa confiance en un planning intangible, mais au prix de certaines opérations menées 24 heures sur 24.
Numérisation 3D et un millier de chênes
Le chantier n’a effectivement pas chômé au cours de 24 mois pour le moins éprouvants. La pandémie interrompait les travaux au printemps 2020, le scandale de la pollution au plomb suspendait le chantier à l’été le temps des vérifications nécessaires tandis que la vulnérabilité de l’édifice obligeait la maîtrise d’œuvre à faire œuvre de patience et longueur de temps pour la dépose de l’échafaudage présent le jour de l’embrasement. « Je suis heureux car les travaux de sécurisation se sont bien déroulés, tandis que je me satisfais du lancement prochain des travaux de restauration », se réjouit l’architecte. Après la dépose de l’échafaudage, du grand orgue et ses 8 000 tuyaux, et de l’évacuation des gravois sur les voûtes, la sécurisation de l’édifice ayant nécessité 165 millions d’euros est en passe de s’achever. Ne reste que la pose d’étais provisoires pour soutenir les voûtes par l’intérieur d’ici l’été. En parallèle, un mécénat de compétence a été noué avec Autodesk pour mettre à disposition de la maîtrise d’œuvre la numérisation 3D de la cathédrale. Par ailleurs, 1 000 chênes ont été coupés grâce à la générosité de plusieurs collectivités ou institutions détentrices de forêts comme Chambord, l’abbaye de Chaalis ou Chantilly et le mécénat pour plusieurs millions d’euros de l’interprofessionnelle France Bois Forêt pour les acheminer à Paris en vue du chantier de reconstitution de la charpente. Car c’est désormais une chose acquise : après les polémiques sur la physionomie de la future cathédrale, celle-ci sera reconstruite à l’identique. La commission nationale du patrimoine et de l’architecture a rendu un avis favorable le 25 mars à un dessin proche de celui de la charpente disparue. Les travaux de restauration en tant que tels débuteront cet hiver.
Et le chantier des abords ?
Dans ce déroulé mené d’une main de maître, pourquoi donc envisager un retard ? Il est vrai que la phase de sécurisation a été plus longue que prévu étant donnée la grande complexité d’une opération qui pouvait voir s’écrouler l’édifice à la moindre erreur. D’autre part, la poursuite de l’enquête de police dont les résultats ne sont pas attendus avant plusieurs mois freine les travaux, interdisant l’accès jusqu’à ce début d’année à l’angle sud-est de la cathédrale soupçonné d’être le lieu de départ du feu. La chute de pierres sur les bords des voûtes écroulées à la croisée du transept a également demandé la plus grande vigilance. Hormis ces aléas habituels sur un chantier, la Ville voit son projet de requalification des abords de la cathédrale (qui ne peut démarrer opérationnellement qu’une fois la restauration de la cathédrale achevée) écoper de 6 mois de retard à cause de la pandémie. Voté en Conseil de Paris ce jour, le projet mérite attention. Financé grâce aux 50 millions d’euros promis à la cathédrale par Anne Hidalgo au lendemain de l’incendie et finalement utilisé en investissement pour un espace dont la Ville a la charge et la responsabilité, le réaménagement des abords doit permettre, en végétalisant l’espace et en transformant le parking souterrain du parvis en espace d’accueil, de rééquilibrer les usages de l’île de la Cité jusque-là majoritairement réservée au tourisme. Après avoir rétropédalé sur la promesse d’un « carrousel du Louvre » version Notre-Dame en expliquant qu’il n’y aurait finalement pas de destination commerciale, Emmanuel Grégoire prévoit l’implantation d’une billetterie pour un site qui devrait rester gratuit. Plus que du chantier de restauration, les surprises promettent donc de venir du chantier des abords.