« Minimalisme » : à la faveur de la parution d’un livre et d’un documentaire, le mot est sur toutes les lèvres. Moins politique que le terme de « décroissance », moins radical que celui de « frugalité », il pose néanmoins la question de consommer moins. Mais comment tendre vers cette façon de consommer alors que l’on a été habitué à la profusion, comment résoudre la quadrature du cercle et rendre tangible la formule « less is more » ? Une des pistes les plus sérieuses est l’économie du partage, matérialisée par la location. Après avoir investi les univers de l’automobile, des biens culturels, des vacances et de la mode, c’est désormais le mobilier qui se prête à ce mode de consommation.
« Les 26-42 ans ont grandi avec l’idée de l’accumulation et de la consommation jusqu’à la profusion autour du diptyque "fast food, fast fashion". Il sera difficile de revenir en arrière mais l’urgence écologique nous impose de consommer tout en réfléchissant à un impact moindre, analyse en préambule Bénédicte Fabien, directrice du planning stratégique pour le bureau de tendance Leherpeur Paris. La location permet de se détacher de la matière pour un éphémère moins polluant, d’organiser la profusion dans le cadre de l’économie circulaire. Le sens de la propriété comme aboutissement d’une vie n’est plus systématique. Les incertitudes de notre époque nous poussent à l’agilité, à ne plus nous plomber avec des biens matériels qui nous ancrent. »
Une pratique qui répond à différents besoins et se développe sur la courte ou la longue durée. « Nous sommes spécialisés dans la courte durée, explique Stéphane Darcel, co-fondateur de Move & Rent. Nos clients sont essentiellement des entreprises (à 80 %) qui louent du mobilier au mois le mois pour leurs équipes en télétravail. L’incertitude de la situation est tout à fait propice à nos solutions de court terme. Dans notre clientèle, on trouve aussi des promoteurs qui meublent des appartements-témoins. Les 20 % restants sont des particuliers étudiants et expatriés. »
De la location au crédit
En parallèle s’ouvre le secteur de la location longue durée par des éditeurs comme Ligne Roset qui a démarré l’année dernière « une activité qui progresse doucement depuis un an », explique Antoine Roset, directeur marketing du groupe familial. Cette option longue durée, c’est la location avec option d’achat (LOA), un crédit qui ne dit pas son nom. « Les jeunes sont acculturés, ils connaissent aujourd’hui les objets signés, ont apprivoisé l’esthétique du XXe siècle mais achètent des copies car n’ont pas les moyens de s’offrir du neuf », détaille Françoise Novel, cofondatrice de Yourse qui lance ce mois-ci une offre de location seconde main pour davantage s’inscrire dans l’économie circulaire. Car au-delà d’un simple produit, c’est un service et une culture que proposent ces entreprises. Move & Rent livre des meubles déjà montés, qu’ils soient signés IKEA ou du fabricant plus haut de gamme Gautier, et Yourse propose des visites de musées ou de salons ainsi que des conférences sur les designers.
Parmi les marques proposées par Yourse, l’éditeur italien de luminaires Flos. « Nous proposons des produits pérennes et une clientèle qui bouleverse son intérieur beaucoup plus souvent. La location est donc tout à fait adaptée. De plus Yourse insiste sur la dimension culturelle de nos pièces et c’est vraiment ce que nous souhaitons valoriser. D’ailleurs nous nous retirons des revendeurs qui n’ont que le prix comme argument de vente… C’est un système naissant, mais nous y croyons car il est de bon sens », estime Cédric Faucheux, directeur France. Même écho chez Vitra, également au catalogue de Yourse, aux côtés d’éditeurs comme Cassina. « Vitra partage les valeurs de Yourse, explique Karin Gintz, directrice commerciale Vitra France. Notre ambition avec une offre en leasing telle que Yourse est de rendre le design plus accessible, de toucher une cible plus jeune et surtout permettre à de nouveaux consommateurs d'avoir accès à des pièces iconiques, durables et pleines d'histoire. » Rapidement installé sur le marché, Yourse a récemment étendu ses propositions et loue désormais de jeunes éditeurs et designers comme Faina et le jeune designer Arno Declercq est dans le top 3 des locations à côté des classiques.
Si les enseignes de location sont rares et le marché en France encore jeune – alors qu’il est déjà mature depuis depuis une cinquantaine d’années aux États-Unis –, les appétits s’aiguisent. La start-up Flexlab, qui propose différents kits de mobilier pour les employés, a levé 1,5 million d’euros en novembre 2020 et équipe déjà plus de 2000 salariés avec du mobilier siglé. D’ailleurs, lorsqu’on discute chiffres avec le fondateur de Move & Rent, il se fait discret. « Le marché est en train de se construire, il devient très concurrentiel, c’est pourquoi nous restons discrets sur les chiffres », conclut Stéphane Darcel. Une urgence quand on sait qu’aujourd’hui 1,7 million de tonnes de mobilier est jeté chaque année en France.