C’est assurément l’un des plus célèbres manuscrits de la littérature française. Pour son auteur, le marquis de Sade (1740-1814), emprisonné pendant un tiers de sa vie et dont le nom a servi à désigner une perversion sexuelle ; pour son contenu, descente dans l’enfer des sens et de la violence avec le catalogue de 600 perversions, qui en fit une cible privilégiée de la censure (comme en témoigne le procès de 1956-1958 fait à Jean-Jacques Pauvert, premier éditeur des œuvres complètes) ; pour l’objet lui-même, incroyable dans sa forme (un rouleau de 12 mètres de long, qui fait penser aussi bien à une Torah qu’au tapuscrit de Sur la route de Jack Kerouac) et dans son destin...
Sexologue berlinois
Au vu de tous ces éléments, le prix de 4,5 millions semble presque modeste, mais il faut reconnaître qu’à l’ère de #metoo, des affaires de pédophilie et d’inceste, de la cancel culture, le roman a repris son pouvoir subversif. Face au grand tribunal populaire des réseaux sociaux, où la frontière entre fiction et réalité se gomme facilement et où l’opprobre se déchaîne en un clin d’œil, les bonnes volontés risquent de se raréfier. « À la fois le plus radical et le plus monumental de ses ouvrages, contenant l'essence de sa philosophie et l'absolu de ses fantasmes, ce “soleil noir“ de la littérature a vocation à rejoindre dans les collections publiques le dossier de détenu “embastillé“ relatif au “divin marquis“ », dit joliment l’avis d’appel au mécénat d’entreprise publié au Journal officiel du 18 février, qui rappelle les favorables conditions fiscales : réduction d'impôt sur les sociétés (article 238 bis-0 A du Code général des impôts) égale à 90 % des versements,…