Le Covid-19 a obligé les organisateurs de biennales d'art contemporain à la réflexion : priorité aux circuits courts de production et au travail des opérateurs locaux, changement d’attitudes dans le rapport au tourisme globalisé qui accompagne ces événements (et sa désastreuse empreinte carbone) et chamboulement radical du modèle de durabilité de l'écosystème de l’art. Jusqu'aux annonces d'Emmanuel Macron le 28 octobre, la ville de Saint-Etienne était l'écrin de deux biennales. La première, « Après l’école – Biennale artpress des jeunes artistes », réunissait, depuis le 3 octobre, les synergies de l’École d’art et de design et du Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne avec la revue Artpress. L'autre, « Carbone 20, biennale de collectifs et lieux d’artistes », se mue en une biennale éclair et n'aura ouvert qu'une journée, le jeudi 29 octobre...
Lorsque mi-mars, Rebecca Lamarche-Vadel comprend qu’il ne sera pas possible d’ouvrir la biennale de Riga en mai, alors que se multipliaient les interdictions de se regrouper et que les frontières européennes se fermaient, elle se retrouva face à un choix cornélien. Tout annuler alors que le montage avait déjà commencé ? Reporter ? Pour elle, il était essentiel que l’exposition ait lieu, même si sa forme serait différente. « Le thème de la biennale était la fin d'un monde, et ce n'était pas possible pour moi d’attendre de revenir à une situation "normale" en 2021 ou 2022 pour faire une biennale qui aurait fait comme si rien ne s'était passé, comme si la fin d'un monde n'avait pas eu lieu », confie la jeune directrice de Lafayette Anticipations qui a dès lors considéré le Covid-19 comme « un co-curateur ». Alors que partout dans le monde se mettait en place une médecine de crise et d’urgence, elle a « pensé à la biennale de plus en plus comme une exposition de catastrophe. Vulnérable, imparfaite, combative, résiliente ». Dans l’hypothèse où la biennale ne pourrait pas ouvrir au public, elle a décidé de transformer aussi l’accrochage en long métrage, prenant l’exposition comme source. Avec des aménagements par rapport au script originel : 70 % des œuvres ont dû être reconfigurées. Celles de Marguerite Humeau, Ugo Rondinone ou Tomás Saraceno ne pouvaient plus être envoyées à Riga, celles de Pawel Althamer ou Dora Budor impliquant des rassemblements étaient interdites. Avec chaque artiste, Rebecca Lamarche-Vadel a réussi à trouver des solutions ; Ugo Rondinone a autorisé à refaire son Neon Rainbow Poem peint en trompe-l’œil sur du bois, et Dora Budor a remplacé sa foule d'humains par une meute de chiens. La biennale…