Le Quotidien de l'Art

Marché

La section Anthologie évoque des artistes qui ont enrichi ou continuent d’enrichir le panorama hexagonal.

La section Anthologie évoque des artistes qui ont enrichi ou continuent d’enrichir le panorama hexagonal.
Bernard Moninot, HORIZON V, 1997, acrylique et encre sur papier préparé avec du bleu improbable, 158 x 490 cm.
© Bernard Moninot / ADAGP Paris 2020 / Courtesy galerie Jean Fournier, Paris, 2020.

La section Anthologie évoque des artistes qui ont enrichi ou continuent d’enrichir le panorama hexagonal.

Galerie Jean Fournier

Bernard Moninot, paysages de l’esprit

La galerie, l’une des plus anciennes de la place de Paris (créée en 1964), rend honneur à la carrière de Bernard Moninot (né en 1949), qui sait faire parler le vent ou les pierres et à qui elle vient de consacrer une exposition personnelle. « Il s’agit d’un paysage mental monumental, explique Harry Ancely, composé comme la succession de plusieurs points de vue, de plusieurs angles. Les tracés sont dupliqués, scarifiés sur un papier carbone chargé d’un pigment « bleu improbable », ainsi nommé pour l’usage qui en est fait en vidéo et qu’on ne voit jamais. »

Galerie L&T

Hayter, surréalisme à l’anglaise

La toute jeune galerie (créée en 2015) propose le surréaliste Stanley William Hayter (1901-1988), installé à Paris de 1926 à 1939 et figure majeure du mouvement, comme le rappelle Léopold Legros. « Membre du groupe dès 1934, il est très tôt reconnu par la critique et admiré par ses pairs, tels Ernst et Dalí. Installé aux États-Unis durant la Seconde Guerre mondiale, il est considéré comme l’un des précurseurs de l’Expressionnisme abstrait. Pollock et De Kooning ont fréquenté son atelier new-yorkais. » À approfondir dans l'exposition que proposera le musée des Beaux-Arts de Rennes en février 2021...

Galerie Françoise Livinec

Zuka, les Indiens et les cowboys

La plasticienne américaine (1924-2016), née à Los Angeles de parents russes ayant fui la révolution, qui s'était installée en France à la fin de la Seconde Guerre mondiale (où elle épousa Tim, célèbre dessinateur de l'Express), s’est intéressée très tôt à la question des minorités : « À 14 ans, elle fréquentait déjà des concerts de jazz, où elle était la seule Blanche », explique Françoise Livinec. La galerie présente une série de peintures des années 1970-1980 sur les Amérindiens, dont l'œuvre phare est probablement la toile Geronimo et fils : « Zuka est une des rares artistes à s'intéresser aux Natifs dans les années 1970 et 1980. La manière très pop dont elle dépeint ses sujets – frontalement et avec de grands aplats de couleur – est radicalement novatrice. Les Amérindiens deviennent chez elle des figures iconiques ».

Galerie de France

Judit Reigl, la peinture comme sujet

Une longue histoire d'amitié lie la Galerie de France à l'artiste d'origine hongroise, disparue en août dernier : « En 1976, j’avais organisé une exposition sur sa série de Déroulements (1973-80) et de Guano (1958-65) à l'ARC du musée d'Art moderne. J’ai voulu reproduire cette même confrontation quarante ans plus tard », explique Catherine Thieck. L'enjeu était ambitieux, les Guano étant extrêmement rares, notamment les grands formats, conservés pour la plupart dans de grandes institutions. Les séries illustrent deux tendances contraires de la peinture : « Les Guanos, toiles piétinées pendant le travail à l'atelier, jouent, de manière très baudelairienne, sur la beauté du rejet, tandis que les Déroulements, peints au rythme d'un fonds musical, sont le fruit d'une pratique plus performative ».

Galerie des Petits CarreauxMarinette Cueco, entre éphémère et éternel

Plusieurs phases du travail de Marinette Cueco (née en 1934) sont représentées dans la sélection de la galerie : les ardoises, les herbiers et les entrelacs, qu'elle assemble en glanant des matériaux naturels de sa Corrèze natale ou en région parisienne, mais aussi les pierres captives, dont on retrouve « d'émouvants galets blancs enveloppés dans un tressage d'herbe, alliant délicatement la permanence de la pierre avec la fragilité du végétal, selon Christine Benadretti. Marinette a créé son premier herbier suite au décès de son mari, le peintre et écrivain Henri Cueco (1929-2017). Nous présenterons aussi plusieurs exemplaires des cahiers qu'elle réalise en accompagnement de ces herbiers ».

Galerie SemioseErnest T., les dessous du monde de l'art

Le faux, la vacuité de l’art et de son marché ou la question du goût sont au cœur de la pratique subversive de l'artiste post-conceptuel Ernest T. (né en 1943), auquel Benoît Porcher a souhaité rendre hommage suite à « l'acquisition de son œuvre par les Amis du Centre Pompidou ». La sélection, couvrant la période des années 1980 à nos jours, inclut sa version du Porte-bouteilles de Marcel Duchamp, qu'il achète au BHV Marais en 1987, dont l'étiquette et le ticket de caisse constituent l'œuvre. La pièce centrale de la sélection ? « Sa chaise de 1990, ayant pour socle une valise de rangement, dont l'assise et le dossier ont été remplacés par deux de ses « peintures nulles » – comprendre sans intérêt artistique – signées au verso par la lettre T. »

Galerie de La Forest DivonneAlexandre Hollan, étudier la nature

Depuis les années 1960, Alexandre Hollan (né à Budapest en 1933, vivant à Paris depuis 1956) se consacre à deux motifs exclusifs : les arbres et les natures mortes, qu’il baptise poétiquement « vies silencieuses ». « Nous présentons une douzaine d'œuvres récentes de l'artiste, déclinées dans une variété de techniques et formats : grandes toiles acryliques, petits formats, fusains…», explique Marie-Hélène de La Forest Divonne. Plutôt qu’une fin en soi, la peinture constitue pour lui « un outil de recherche en vue d'une quête méditative, lui permettant d'explorer les vibrations de la lumière et de la couleur ». L'artiste étudie rigoureusement, chaque année, la même dizaine d'arbres – auxquels il accorde même un nom, comme s’il les connaissait...

Galerie W. Landau

Raymond Hains : « Hainstérieur »

Un ensemble de 52 clichés originaux (série limitée à 200 exemplaires) de l’appartement-bureau de Raymond Hains (1926-2005), rue d'Odessa (14e arrondissement), réalisés par Arnaud Brunet en 2004, sont proposées dans des boîtes bleues, rouges et jaunes, identiques à celles que l'artiste entassait  jusqu'au plafond. « Je suis très attaché à cette petite collection. Nous en avons offert à la bibliothèque de Kandinsky du Centre Pompidou, explique Éric Landau, qui présente également des tirages numérotés de la Biennale Éclatée (1976). C'est une œuvre de collection, un dossier permettant de pénétrer dans l'univers de l'artiste, qui n'a jamais fait l'objet, à mon sens, d'un vrai reportage. Les pièces de la Biennale Éclatée illustrent quant à elles l’époque de Venise, fondamentale chez Raymond, et restent accessibles aux collectionneurs ayant un goût pour les Nouveaux Réalistes. »

Galerie Pauline Pavec

Robert Malaval, le météore

« C’est la plus grande œuvre réalisée par l’artiste, prévient Pauline Pavec. Elle mesure 450 x 450 cm et nous avons donc fait monter une cimaise de 5 mètres de côté ! » Champion du pop à la française, disparu trop tôt (il se suicide en 1980 à 43 ans), Malaval avait été suivi par les meilleurs dénicheurs de talents : « Cette toile de sa période Rose-Blanc-Mauve a été réalisée en 1967 pour Yvon Lambert, à l'occasion d'une exposition personnelle, rue de l'Échaudé. Elle n’a ensuite été exposée qu’à deux reprises, en 1968 à Kassel pour la Documenta IV et en 2009 au musée des Beaux-Arts d'Angers. »

Yes, We Love project

Maryan, années américaines

Autre existence torturée que celle de Maryan (1927-1977), né en Pologne, déporté à Auschwitz, qui passera par Jérusalem et Paris avant de choisir le Nouveau Monde. « Ce focus réunit des œuvres inédites, sur toile et sur papier, pour la plupart de sa période américaine, explique Lucas Djaou, le fondateur de Yes, We Love project. Maryan a vécu à New York de 1962 jusqu'à son décès dans son appartement du Chelsea Hotel en 1977. » Personnages et postures grotesques, couleurs vives, contrastes exagérés : « Cette sorte de Commedia dell’arte aux allures pop semble être un exorcisme à sa destinée tragique ».

Galerie Véronique Smagghe

Arthur Aeschbacher, champion du collage

« Je fête les 30 ans de ma galerie cette semaine, explique Véronique Smagghe. Ma deuxième exposition, en 1991, a porté sur le collage. Et Arthur Aeschbacher en faisait partie… » Cet accrochage est donc une belle histoire de fidélité, qui déroule les œuvres charnières, en partant de la lointaine décennie 1950, quand l’artiste s’en tenait encore à la peinture, jusqu’aux créations récentes de 2019, réalisées à l’âge de 95 ans. La pièce de choix en est peut-être cette étonnante boîte au petit goût mexicain.

Galerie Oniris

Les bleus Asse

La galerie rennaise présente un solo show de celle qu'elle expose depuis 1995 : la peintre Geneviève Asse et ses multiples nuances de bleu, presque une par décennie. L'artiste n'use que de cette couleur dans ses tableaux depuis les années 1980, mirage de « l'air », de « l'eau », selon ses dires, mais aussi de « l'ardoise si [elle] se penche vers la terre » et de « la joie dont [le bleu] nous remplit ». Cette enfant du pays, née à Vannes et ayant un atelier d'été à l'Île aux Moines, bénéficie d'une « côte d'amour particulière dans la région », sourit Florent Paumelle. Pour ce dernier, la peintre est au croisement des deux univers historiques de la galerie : l'abstraction géométrique internationale et l'abstraction française.

Galerie Jean Brolly

Dodeigne, artiste-tailleur du Nord

Eugène Dodeigne (1923-2015), à qui une rétrospective sera consacrée à partir du 6 novembre à La Piscine de Roubaix, est indissociable des pierres de la région de Soignies. Si celles-ci sont extrêmement difficiles à tailler, le sculpteur les a toujours préférées, digne descendant d'une famille de tailleurs de pierres du Nord. La galerie profite du salon pour « remettre au goût du jour cet artiste pas assez connu, pourtant primordial dans l'art du XXe siècle ». Ses dessins de sculptures se distinguent par leur trait nerveux de fusain et d'encre.

Galerie Lœvenbruck

Labelle-Rojoux, irrévérencieux colleur

La galerie, qui le représente depuis plus de quinze ans, le décrit comme « inclassable ». « Arnaud est artiste plasticien, performeur, écrivain, théoricien de l’art, etc. Tout cela se nourrit, se regarde, se complète. Son œuvre pourrait être décrite comme la caverne d’Ali baba, un grand théâtre, une fête – fête de la couleur, fête de la référence savante ou populaire, fête du jeu de mot, fête du rire, fête de l’intelligence ! », s'enthousiasme Alexandra Schillinger. L'artiste confronte dans ses collages des images qui rappellent les publicités des années 1980 avec des propos affirmés ou ironiques, tracés au crayon de couleur. 

Galerie Loeve&Co

Jean-Pierre Pincemin, celui qui voit différemment

Les acryliques et huiles sur des toiles découpées de Jean-Pierre Pincemin (1944-2005), l'une des grandes figures du mouvement Supports-Surfaces, oscillant entre figuration et abstraction, continuent – quinze ans après son décès – d'interroger le regard que l'on peut porter sur sa création. Objectif atteint pour celui qui définissait le peintre comme « celui qui voit différemment, n'importe quoi ».

Galerie Claire Gastaud

Georges Rousse, faux photographe

Au fond plus artiste que photographe, Georges Rousse a obtenu la reconnaissance de ses pairs pour ses photographies offrant pérennité à ses œuvres éphémères, installées dans des lieux abandonnés. Lui qui est « passionné par l'architecture, la lumière et la peinture », affirme Claire Gastaud, dessinait les lieux qu'il avait repérés, mais refusait de vendre ses œuvres. La galerie clermontoise expose aujourd'hui une photographie marouflée en aluminium, mais aussi des dessins, dont une aquarelle, intitulée Projet 27 et réalisée en 2019, encore jamais proposés à la vente, ce qui en fait de « vrais bijoux ». « Le travail de Georges Rousse, reconnu à l'international, n'est pas juste de l'anamorphose. C'est un véritable geste artistique, avec un travail de mémoire sur les lieux. »

Stanley William Hayter, Paysage anthropophage, 1937, huile sur panneau, 100 x 200 cm.
Stanley William Hayter, Paysage anthropophage, 1937, huile sur panneau, 100 x 200 cm.
© Stanley William Hayter / Courtesy Galerie T&L, Paris.
Zuka, Géronimo et ses fils, 1977, 90 x 130 cm.
Zuka, Géronimo et ses fils, 1977, 90 x 130 cm.
© Zuka / ADAGP Paris 2020 / Courtesy Françoise Livinec, Paris.
Judit Reigl, Déroulement, 1976, acrylique et glycérophtalique sur toile, 50 x 61 cm
Judit Reigl, Déroulement, 1976, acrylique et glycérophtalique sur toile, 50 x 61 cm


© Judit Reigl / ADAGP Paris 2020 / Photo Alberto Ricci / Archives Galerie de France / Courtesy Galerie de France - le Studiolo, Paris.

Marinette Cueco, Ardoises ligaturées avec maïs, entre 1993 et 1998, 23 x 35 cm.
Marinette Cueco, Ardoises ligaturées avec maïs, entre 1993 et 1998, 23 x 35 cm.
© Marinette Cueco / ADAGP Paris 2020 / Courtesy galerie des Petits Carreaux, Paris.
Ernest T., Infirmerie, 1972, peinture laquée sur bois, 18 × 32 cm.
Ernest T., Infirmerie, 1972, peinture laquée sur bois, 18 × 32 cm.


© Ernest T. / Photo A. Mole / Courtesy Semiose, Paris.

Alexandre Hollan, Rythmes de lumières, 2018, acrylique sur papier, 50 x 70 cm.
Alexandre Hollan, Rythmes de lumières, 2018, acrylique sur papier, 50 x 70 cm.
© Alexandre Hollan / ADAGP Paris 2020 / Photo Illés Sarkantyu / Courtesy galerie La Forest Divonne, Paris.
Raymond Hains, Passion en Bleu, Blanc, Rouge, 1968, affiches lacérées, 61 x 43 cm.
Raymond Hains, Passion en Bleu, Blanc, Rouge, 1968, affiches lacérées, 61 x 43 cm.
© Raymond Hains / ADAGP Paris 2020 / Courtesy Galerie W, Paris.
Robert Malaval, Une Aventure de Boris the Spider (Taylor Mead dans le rôle de Boris), 1967, acrylique sur toile, 450 x 450 cm.
Robert Malaval, Une Aventure de Boris the Spider (Taylor Mead dans le rôle de Boris), 1967, acrylique sur toile, 450 x 450 cm.
© Robert Malaval / ADAGP Paris 2020 / Photo musées d’Angers, P. David / Courtesy galerie Pauline Pavec.
Maryan (Pinchas Burstein), Sans titre, 1973,  huile sur toile, 130 x 97 cm.
Maryan (Pinchas Burstein), Sans titre, 1973, huile sur toile, 130 x 97 cm.
© Maryan / Courtesy Yes, We Love Project, Paris.
Arthur Aeschbacher, Le Temps cabriole, vers 1960.
Arthur Aeschbacher, Le Temps cabriole, vers 1960.
© Arthur Aeschbacher / ADAGP Paris 2020 / Courtesy galerie Véronique Smagghe, Paris.
Geneviève Asse, Quadrille, 2009, huile sur toile, 116 x 73 cm.
Geneviève Asse, Quadrille, 2009, huile sur toile, 116 x 73 cm.


© Geneviève Asse / Courtesy galerie Oniris, Rennes.

Eugène Dodeigne, Sans titre, 1999, fusain sur papier, 110 x 74 cm.
Eugène Dodeigne, Sans titre, 1999, fusain sur papier, 110 x 74 cm.
© Eugène Dodeigne / ADAGP Paris 2020 / Courtesy galerie Jean Brolly, Paris.
Arnaud Labelle-Rojoux, L'amour toujours, 1979, polyptyque (7 pièces), collage et crayon de couleur sur papier.
Arnaud Labelle-Rojoux, L'amour toujours, 1979, polyptyque (7 pièces), collage et crayon de couleur sur papier.




© Arnaud Labelle-Rojoux / ADAGP Paris 2020 / Photo Fabrice Gousset / Courtesy galerie Loevenbruck, Paris.

Jean-Pierre Pincemin, Sans titre, 1969, acrylique sur toiles découpées assemblées et collées, 155,5 x 157,5 cm.
Jean-Pierre Pincemin, Sans titre, 1969, acrylique sur toiles découpées assemblées et collées, 155,5 x 157,5 cm.
© Jean-Pierre Pincemin / ADAGP Paris 2020 / Photo Fabrice Gousset / Courtesy Loeve&Co, Paris.
Georges Rousse, Matsushima, 2013, photographie marouflée sur aluminium, 120 x 160 cm.
Georges Rousse, Matsushima, 2013, photographie marouflée sur aluminium, 120 x 160 cm.
© Georges Rousse / ADAGP Paris 2020 / Courtesy galerie Claire Gastaud, Clermont-Ferrand.
Alexandre Hollan, Le Grand Chêne de Viol le Fort, 2015, acrylique sur toile, 114 x 195 cm.
Alexandre Hollan, Le Grand Chêne de Viol le Fort, 2015, acrylique sur toile, 114 x 195 cm.
© Alexandre Hollan / ADAGP Paris 2020 / Photo Illés Sarkantyu / Courtesy galerie La Forest Divonne, Paris.

Article issu de l'édition Hors-série du 23 octobre 2020