Guillaume Piens
Art Paris maintient une édition au Grand Palais. Comment cela a-t-il été possible dans le contexte actuel ?
Il s'agit de la troisième version de la foire, reportée trois semaines avant l'ouverture en avril, en version 100 % numérique fin mai, puis à partir du mois de juin s'est offert à nous la possibilité d'investir le Grand Palais en septembre, les antiquaires de la Biennale Paris libérant le créneau puisqu'ils jetaient l'éponge, et au même moment, Art Basel annonçait l'annulation de la foire, reportée initialement en septembre aux mêmes dates. Par ailleurs, l'amélioration sanitaire nous permettait d'envisager ce report, puisque l'épidémie était en recul.
Vous parlez « d'une édition de la résistance », pourriez-vous préciser ?
Le contexte est anxiogène, mais il est important de donner rendez-vous aux collectionneurs et aux galeries dans le cadre d'une foire. Cela relève d'une nécessité et de la conviction de galeries qui nous ont demandé de maintenir l'événement, car il était impératif qu'elles retrouvent leurs collectionneurs. En tant que foire, notre priorité est que les galeries puissent faire des ventes et qu'elles s'en sortent économiquement pour les mois à venir. Le soutien aux galeries est une des clés de voûte de l'écosystème. Si elles s'effondrent, les conséquences sont dramatiques.
La foire sera-t-elle un test pour mesurer s'il y a une résilience du marché ?
Oui. J'ai eu mes propres doutes, mais certaines choses me rassurent. J'ai mené personnellement une enquête auprès de galeries pour prendre la mesure de leur situation économique. Il y a un réel besoin de retrouver un événement culturel après six mois de vide. On voit que quelque chose résiste à Paris et que les collectionneurs sont très motivés. Certains ont d'ailleurs créé l'association CulturFoundry, qui présente l'exposition « L'Écho du silence » dans un nouvel espace au Kremlin-Bicêtre, le 16K. Ils se mobilisent autour d'une action philanthopique pour aider les artistes et leur offrir un lieu d'expression. Beaucoup de ces signes se multiplient et témoignent d'une résilience chez beaucoup, qui continuent de soutenir la culture.
La sélection de galeries passe de 150 à 112, ce qui constitue une faible perte, finalement ?
Le positionnement d'Art Paris est un atout, puisqu'elle a l’avantage d’être une foire avant tout locale et régionale avec une grande majorité de galeries françaises et un public qui vient à 75 % d’Île-de-France et des régions de l’Hexagone. Ce qui implique que la foire peut avoir lieu, même si nous avons seulement 25 galeries étrangères. Leur présence a été divisée par deux !
Des enseignes importantes comme Perrotin, Jeanne Bucher Jaeger, Yvon Lambert ou Karsten Greve associé à Caroline Smulders rejoignent les fidèles comme Nathalie Obadia, Templon, Lahumière et Paris-Beijing. Une place de choix a été également réservée à une jeune génération talentueuse de galeristes, comme Arnaud Faure-Beaulieu,193 Gallery ou Pauline Pavec et le secteur « Promesses », qui offre un éclairage prospectif sur les scènes européennes et africaines.
Y a-t-il eu des ajustements dans les deux focus principaux ?
Pour le parcours proposé par Gaël Charbau autour de la scène française, nous comptons 18 artistes sur les 22 à l'origine, et dans le jeu des mouvements de galeries, nous intégrons des artistes comme Sophie Calle ou Laurent Grasso. Le projet sur la péninsule ibérique est quant à lui réduit drastiquement par rapport à sa conception initiale avec Carolina Grau. Nous avons perdu beaucoup de galeries espagnoles, tout simplement parce que la crise est encore plus violente là-bas, et qu'aux mêmes dates se tient Apertura, le week-end des galeries à Madrid.
Il ne s'agit pas d'une édition au rabais, la foire demeure intéressante et je me réjouis de la sélection finale.